24.06.2025
SAM FORWOOD

Sur la route de Bonrook

Pour arriver à Bonrook, la réserve de chevaux sauvages créée en Australie par la FFW également connue sous le nom de « Franz Weber Territory », il faut emprunter une route asphaltée de près de cinq kilomètres qui part de la Stuart Highway pour se transformer en piste sur le dernier kilomètre avant d’atteindre enfin la propriété.
Il m’arrive souvent d’accueillir les visiteurs par une question : « Avez-vous vu quelque chose en chemin ? ». A mon grand étonnement, leur réponse est quasi invariablement : « Rien. »
Pourtant, si l’on fait preuve un tant soit peu de sens de l’observation, il n’est pas rare d’apercevoir, au gré des périodes, une étonnante diversité d’animaux sauvages.

Mes voisins à plumes

A la saison des pluies, celles qui me réjouissent le plus, en particulier en raison de leur rareté et des menaces qui pèsent sur leur espèce, sont les perruches à capuchon noir (Psephotellus dissimilis), nichées sur la face ouest d’immenses termitières, celle-ci leur offrant une meilleure protection contre les feux de brousse qui viennent généralement par l’est.

Le jardinier à nuque rose (Chlamydera nuchalis) s’active lui aussi. J’ai fréquement vu ses nids artistiquement aménagés dans les sous-bois épais, en bord de route. Ce sont les mâles qui effectuent tout le travail… afin d’impressionner et d’attirer les femelles.

Quand la saison des pluies s’annonce, on voit aussi apparaître les élégantes grues brolgas (Antigone rubicunda) en famille. Elles restent là jusqu’à ce que la pluie les chasse vers le bush.

L’outarde d’Australie, également surnommée « dindon des broussailles » (Ardeotis australis), se montre tous les jours au début de la saison sèche. Je vois souvent des mâles se pavaner le long de la route en quête d’une compagne.

 En revanche, il est très rare que je croise un émeu d’Australie (Dromaius novaehollandiae). C’est un véritable événement ! En dépit de leur taille impressionante  et de leur allure, les émeus sont généralement pacifiques sauf en période de reproduction et lorsqu’ils se sentent menacés, ils peuvent devenir étonnamment rapides et agressifs. Observer l’un de ces majestueux oiseaux en liberté est toujours un moment inoubliable.

Des reptiles sur la route

Durant les mois chauds, je rencontre parfois un gwardar, autre nom du serpent brun occidental (Pseudonaja nuchalis) – un serpent extrêmement venimeux, inactif durant la saison sèche froide. Naguère presque éliminée par le crapaud buffle, très toxique, sa population est en train de se reconstituer.

Il n’est pas rare de voir surgir un lézard à collerette (Chlamydosaurus kingii), traversant la route en un éclair ou se reposant (pour ne pas dire lézardant) tranquillement sur un tronc d’arbre. Lui aussi avait presque disparu à cause du crapaud buffle. Heureusement, sa population se renouvelle aujourd’hui de façon satisfaisante.

Dans les petits cours d’eau qui bordent la voie d’accès, j’aperçois parfois le rare varan de Mertens (Varanus mertensi). Plus petit que le varan de Gould, mais tout aussi fascinant, il fait partie des espèces menacées, lui aussi victime du venin puissant du crapaud buffle.

Dingos curieux et marsupiaux bondissants

Tôt le matin, c’est en bande familiale que les dingos (Canis lupus dingo), museau au sol, s’approchent. Dans le calme de la nuit, leurs hurlements, qu’on entend parfois à des kilomètres, offrent un concert sauvage qui souligne à merveille l’immensité du paysage.

Au cours de la saison sèche, je dois faire particulièrement attention en voiture : il est fréquent que des wallabys insouciants s’ébattent en plein milieu de la route, toujours en famille. N’est-ce pas alors magique de s’extasier devant un petit (« joey », en anglais), bien caché dans la poche de sa mère où il reste accroché à l’une de ses mamelles et ce, pendant plusieurs semaines ?

Quoique plus rarement, il m’est arrivé de rencontrer leurs grands «cousins», des kangourous. Moins grand que le kangourou roux (Macropus rufus) du centre de l’Australie, mais bien adapté aux étendues dégagées qui bordent notre route, l’espèce indigène s’appelle kangourou antilope (Macropus antilopinus). Avec sa stature élancée et ses longues pattes, cet excellent sauteur se déplace facilement, atteignant des vitesses impressionnantes.

Rencontres avec des brumbies, des buffles d’eau et des bovins sauvages

Brumbies, buffles d’eau et bovins sauvages, des espèces non indigènes, sont également très présents en bordure de la voie menant à Bonrook.

C’est toute l’année que les premiers, des chevaux sauvages vivant en groupes familiaux ou mâles célibataires, prennent possession du territoire. Les nouveau-nés offrent un spectacle particulièrement réjouissant à la saison des pluies. Lorsque je passe lentement en voiture devant un mâle dominant, il peut arriver qu’il se donne de grands airs, dilatant ses naseaux et redressant fièrement la tête, histoire de dire : « C’est moi le chef ! »

Au cours de la saison des pluies, les buffles d’eau (Bubalus bubalis) se manifestent en groupes pouvant compter jusqu’à dix membres. Ils aiment se vautrer dans la boue des cours d’eau qui longent la route. En général, le mâle se tient à distance du troupeau et ses réactions peuvent être imprévisibles. Il convient donc de faire preuve d’une prudence accrue lorsque l’on passe en voiture.

Enfin, des bovins sauvages errent tout au long de l’année dans la région, le plus souvent en petits groupes. Ils ne sont pas aussi agressifs que les buffles, mais je ne les en surveille pas moins attentivement, en particulier les vieux mâles exclus du troupeau qui s’en vont d’un pas lent et imposant.

Et si on lâchait un peu… le champignon

Vous l’aurez compris, chaque trajet offre son lot de découvertes si l’on prend le temps et que l’on ouvre grand les yeux. Sans compter, qu’en roulant trop vite, on ne passe pas seulement à côté de la beauté de la nature sauvage, on met aussi ces animaux en danger.

Roulez lentement, regardez avec attention… cela en vaut doublement la peine.

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