29.09.2025
Monica V. Biondo

Commerce d’animaux sauvages : l’UE peut agir dès maintenant

Chaque minute, des plantes et des animaux sauvages disparaissent de leur milieu naturel pour alimenter l’industrie alimentaire, la médecine, la mode ou le marché des animaux de compagnie exotiques. Qu’il soit illégal ou légal mais mal encadré, ce commerce constitue une menace majeure pour la biodiversité. L’Europe, l’un des plus grands marchés mondiaux, dispose déjà des outils nécessaires pour mieux le contrôler. Il est temps de les utiliser et d’agir résolument pour protéger la biodiversité.

Le commerce d’animaux sauvages menace la biodiversité 

L’érosion de la biodiversité résulte principalement de la surexploitation des ressources et des terres. Le commerce d’animaux sauvages, bien qu’il ne soit pas la cause principale de l’extinction des espèces, en est un facteur aggravant, particulièrement destructeur lorsqu’il s’ajoute à d’autres pressions. Chaque année, des milliards d’animaux et de plantes sont prélevés dans leur habitat pour l’alimentation, la médecine, la mode ou le marché des animaux exotiques. Un million d’espèces se trouvent déjà au bord de l’extinction, et ce commerce – qu’il soit légal ou illégal – y contribue de manière déterminante.

Le commerce illégal, qui cible des espèces menacées et contourne les règles de sécurité, est particulièrement destructeur : éléphants, rhinocéros et bien d’autres paient le prix d’une demande insatiable d’ivoire, de cornes et de produits exotiques. Mais le commerce légal n’est pas exempt de dangers lorsqu’il échappe à toute surveillance. Un cercle vicieux s’installe : sans données, impossible de démontrer qu’une espèce est menacée ; sans surveillance, impossible de mesurer l’ampleur du problème. Les conséquences sont immenses, allant de la propagation d’espèces invasives à la transmission de maladies animales à l’homme (zoonoses) comme la COVID-19 ou le virus Ebola, avec des impacts dramatiques pour les humains et les écosystèmes.

Le commerce mondial d’animaux sauvages représente chaque année entre 145 et 220 milliards de dollars, notamment dans les secteurs de l’ameublement et de la mode. Les animaux marins y occupent une place centrale. Ce marché inclut aussi bien des animaux vivants – comme les poissons d’ornement – que des plantes, par exemple médicinales. L’intégration des végétaux dans ces discussions souligne leur rôle essentiel dans la biodiversité et la nécessité de les protéger.

L’Europe doit montrer l’exemple 

L’Union européenne – et la Suisse – joue un rôle central, puisqu’elle figure parmi les plus grands marchés mondiaux pour les animaux sauvages, avec des importations proches de 100 milliards d’euros chaque année. Produits de la pêche, bois tropicaux, poissons d’ornement et reptiles en constituent une large part. Mais le contrôle reste largement insuffisant : nos recherches sur les espèces non inscrites à la CITES*, comme les poissons d’ornement marins, montrent les limites du système de surveillance en ligne Trade Control and Expert System (TRACES) de l’UE (système d’enregistrement des importations d’animaux et de végétaux). Résultat : entre 2014 et 2021, pour 30 % des poissons marins d’ornement importés, aucun renseignement n’était fourni quant à l’espèce concernée.

C’est le serpent qui se mord la queue: sans données sur les espèces, on ne peut pas montrer qu’une espèce est commercialisée. Il est donc impossible de prouver que le commerce affecte les populations sauvages d’animaux, et constitue un problème. Sans problème avéré, les données ne sont pas récoltées…  Cette lacune perdure depuis des décennies. 

Légal ne signifie pas durable

Les solutions sont évidentes : l’Union européenne dispose déjà d’outils comme TRACES, qui compile depuis plus de vingt ans les données d’importation, et pourrait ainsi instaurer un contrôle bien plus strict du commerce d’animaux sauvages. Les puissants marchés que sont l’UE et la Suisse ont donc les moyens de surveiller efficacement ce commerce. 

Que le commerce illégal soit nuisible ne fait aucun doute – mais la légalité ne garantit pas la durabilité. Être durable, c’est préserver les espèces, les écosystèmes et les moyens de subsistance à long terme. L’heure d’agir est venue : l’UE et son immense marché d’espèces ne peut plus se permettre d’attendre avant d’adapter TRACES – sinon, il sera trop tard.

Des chiffres éloquents 

Depuis les années 1980, la valeur du commerce international légal d’animaux sauvages a explosé : +2’000 %, dont +500 % depuis 2005, notamment sous l’effet de l’élevage et de l’engraissement1. Et ces chiffres n’incluent même pas le commerce du bois ni la pêche commerciale.

D’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 90 millions de tonnes de poissons ont été pêchées dans le monde en 2020. Cela représente environ 3 000 milliards d’animaux – un 3 suivi de 12 zéros2 ! Ce chiffre ne concerne que la pêche sauvage et exclut les poissons d’élevage ainsi que les crustacés3 , dont les volumes se situent dans les mêmes ordres de grandeur.

En 2023, selon la FAO4 , 1,92 milliard de mètres cubes de bois ont été abattus dans le monde. Cela équivaut à une file de camions chargés qui ferait 18 fois le tour de la Terre, si chacun transportait 25 tonnes (soit environ 10 voitures).

Vous trouverez nos dernières études scientifiques accompagnées de références ainsi que d’autres informations sur : www.procoralfish.org

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*La CITES est la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.
 1IPBES, 2020. Workshop Report on Biodiversity and Pandemics of the Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. Daszak, P. et al. IPBES secretariat, Bonn, Germany, https://doi:10.5281/zenodo.4147317
2Mood A. and Brooke P., 2024. Estimating global numbers of fishes caught from the wild annually from 2000 to 2019. Animal Welfare. 33:e6. https://doi:10.1017/awf.2024.7
3FAO, 2024. The State of World Fisheries and Aquaculture 2024 – Blue Transformation in action. Rome. https://doi.org/10.4060/cd0683en
4FAO, 2024. Global forest products facts and figures 2023. Rome. https://doi.org/10.4060/cd3650en
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