«Coup de corne pour une nouvelle politique agricole», l’initiative pour les vaches à cornes d’Armin Capaul, éleveur de montagne, sera soumise au vote populaire le 25 novembre prochain. Une campagne, soutenue depuis son lancement par la Fondation Franz Weber. Rencontre.
Hans Peter Roth: Votre «Initiative pour les vaches à cornes» va-telle être acceptée le 25 novembre prochain, Monsieur Capaul?
Armin Capaul: Oui.
Pourquoi un tel optimisme?
Parce que le moment est venu.
Vous ne vous bercez pas un peu d’illusions?
Non. Mais je suis conscient que le combat va être difficile. Lors de cette votation, chaque voix va compter. J’aimerais dire à toutes les personnes qui me lisent: ne comptez pas sur le fait que «les autres vont bien voter». Ne restez pas assis chez vous, rendez-vous aux urnes ou votez par correspondance avec un «Oui!» clair. Et persuadez les personnes de votre entourage de faire de même.
Certains s’étonnent qu’en Suisse, on puisse voter sur tout, y compris les cornes des vaches.
C’est qu’ils n’ont rien compris. Ni à la portée symbolique de cette initiative, ni à la démocratie suisse.
Pourquoi?
C’est le principe de la démocratie directe: c’est un instrument formidable, unique au monde, qui permet à tous, y compris à des militants isolés comme moi, de lancer un débat national sur une question donnée et de la soumettre au vote populaire. La portée de ce système rayonne bien
au-delà des frontières suisses.
Et la portée de l’Initiative pour les vaches à cornes…
Elle est complètement sous-estimée! Elle une grande valeur symbolique et donne un coup de corne pour lancer une nouvelle politique agricole. Désormais, tous ceux qui ne sont pas d’accord avec la politique agricole actuelle peuvent se manifester. En l’occurrence, il s’agit de refuser une agriculture qui autorise la mutilation des animaux, en fait des machines de production, qui détruit la nature et la biodiversité et qui soumet les agriculteurs à des charges croissantes alors que leurs revenus diminuent.
«Mutilation» est le mot-clé: la corne, dont l’agriculture industrielle prive de plus en plus souvent la vache, est à l’origine du lancement de votre initiative.
Les bovins écornés souffrent particulièrement en cette période de grandes chaleurs*. Les cornes sont de véritables organes vascularisés! Elles
servent notamment à rafraîchir l’animal, un peu comme les oreilles des éléphants d’Afrique. Si les cornes n’avaient pas de fonction naturelle, elles n’existeraient pas. L’aurochs avait des cornes. Comme c’est l’ancêtre de nos vaches d’élevage, elles aussi ont des cornes. Touchez une corne! Vous verrez que c’est chaud, car c’est un élément vivant de la vache. Tellement vivant que quand une vache se blesse à une corne, elle saigne abondamment! Si une partie de la corne se casse, elle repousse, à condition que le cornillon n’ait pas été retiré. Or c’est précisément ce cornillon qui est calciné ou brûlé chimiquement lors de l’ablation des cornes – très souvent aussi chez les caprins. Il s’agit d’une intervention brutale, douloureuse, qui va à l’encontre de la dignité de l’animal et qui le prive d’un organe essentiel.
Comment avez-vous eu l’idée de lancer cette initiative?
J’ai toujours parlé à mes animaux, je leur raconte des histoires, des aventures, je partage avec eux mes pensées, mes idées et mes inquiétudes. Un jour, j’ai entendu la voix des vaches: «Et pourquoi ne défends-tu pas nos cornes?». Cette idée est devenue une obsession.
C’est de là qu’est née l’initiative.
Un tour de force pour une personne seule.
Oui. J’ai utilisé toutes mes économies et j’ai littéralement tout donné pour que cette initiative puisse voir le jour. En fin de compte, je me suis rendu compte que je n’étais pas seul. Un nombre incroyable de personnes ont recueilli des signatures et me sont venues en aide par des actes ou des dons. Notamment la Fondation Franz Weber. Je suis infiniment reconnaissant de tous ces soutiens. Car ce sont eux qui ont permis de faire naître cette initiative populaire suisse.
Cette initiative a-t-elle changé votre vie?
Pas vraiment. Je travaille toujours dans ma ferme, dans le Jura. Je suis retraité depuis deux ans. Évidemment, cela me laisse plus de temps pour cette campagne. Le soutien à travers tout le pays est extraordinaire. C’est merveilleux! La manière dont les médias en parlent presque unanimement de façon positive me rend particulièrement heureux et m’encourage. Je remercie tout le monde!
Que ferez-vous si l’initiative est rejetée?
Elle va passer! Je ne cherche même pas à faire interdire l’écornage. Mon initiative est pragmatique. Je veux juste attirer l’attention et obtenir une reconnaissance et un soutien financier pour les agriculteurs qui ne pratiquent pas l’écornage. Le montant est clair et raisonnable et peut facilement se trouver en économisant ailleurs. Après tout il y a de l’argent même pour les pots de fleurs et les piquets de clôture. Mais les animaux, eux, souffrent et nous dans le même temps, buvons un lait de moindre qualité. Quoi qu’il en soit, je sais que j’ai apporté ma contribution à la défense des animaux et au changement dans l’agriculture.
Quelle est la suite des événements?
Nous attendons la votation du 23 septembre avec deux initiatives agricoles. Puis nous lancerons la campagne de votation. Une conférence de presse le 2 octobre en marquera le lancement officiel. Je le répète: chaque «oui» va compter! Je serai reconnaissant pour chacun d’entre eux.
Plus d’information: