29.09.2025
Anna Zangger

Zoo de Bâle : après la mort d’Heri, Rosy et Maya en sursis

En juin dernier, l’éléphante Heri a été euthanasiée. Officiellement, le zoo évoquait une « dégradation progressive de son état de santé ». En réalité, elle a succombé à une infection provoquée par le fœtus resté dans son ventre pendant un an et demi. Ce drame n’est pas isolé: il illustre les mauvaises conditions de détention et l’échec répété du programme de reproduction mené par le Zoo de Bâle, et annonce déjà un nouvel épisode sombre pour Rosy et Maya, les deux dernières éléphantes.

Heri, victime d’une infection causée par le fœtus mort

En janvier 2023, le zoo de Bâle annonçait avec fierté qu’un éléphanteau verrait bientôt le jour. La Fondation Franz Weber (FFW) avait alors averti des risques que présentait la grossesse de l’éléphante Heri. Résultat : le zoo a dû annoncer, mi-décembre 2023, que le bébé était mort dans le ventre de sa mère et que celle-ci était dans un état critique – pour indiquer quelques semaines plus tard que tout allait bien et que le bébé serait « naturellement expulsé » ou deviendrait une « pierre de ventre », et resterait à l’intérieur de sa mère. Le 11 juin 2025, le Zoo de Bâle a communiqué la mort de l’éléphante Heri, présentée comme une « euthanasie nécessaire » après une détérioration progressive de son état de santé. Fin juillet 2025, le journal en ligne « Basel jetzt » confirmait que la cause de la mort était bien une infection liée à la présence, durant une année et demie, du cadavre du fœtus dans le ventre de Heri. La Fondation Franz Weber (FFW) n’a toujours pas eu accès au rapport d’autopsie de l’éléphante.

Bâle n’est pas apte à détenir et reproduire des éléphants

Le zoo de Bâle, fondé en 1874, détient des éléphants d’Afrique depuis 1952. En 73 ans, seuls 5 éléphants y sont nés, et les trois derniers, en 1992, 2004 et 2023 sont morts-nés (ou plutôt, dans le cas du petit de Heri, mort sans jamais naître). Depuis 1965, huit autres éléphants sont décédés de causes diverses (dont le mâle Tusker, père du bébé de Heri, euthanasié en 2023 car atteint de tuberculose).

Après la mort dramatique d’Heri et de son petit, et l’échec cuisant du programme de reproduction des éléphants mené par le zoo de Bâle, continuer à enfermer, déplacer et reproduire ces animaux hautement sensibles ne relève pas de la conservation, mais de l’acharnement. D’après le Dr. Keith Lindsay, spécialiste en biologie des éléphants, l’attitude du zoo est tout simplement irresponsable : « Le zoo paraît déterminé à maintenir et à reproduire des éléphants, malgré l’échec évident et répété de cette démarche… Un tel entêtement n’est rien d’autre qu’une question d’égo, au mépris du bien-être de ces animaux », s’insurge-t-il.

Toujours selon le Dr. Lindsay, « les responsables du zoo semblent avoir une compréhension très limitée de la biologie des éléphants, ce qui les amène à croire que leurs besoins physiques et psychologiques peuvent être satisfaits dans un espace de vie totalement inadéquat – beaucoup trop petit, stérile et dépourvu d’intérêt pour des animaux aussi mobiles, curieux et intelligents. Dans de telles conditions, leur échec lamentable à maintenir des éléphants en vie s’explique aisément. ». Selon lui, aucun autre éléphant ne devrait être détenu au Zoo de Bâle. 

Rosy et Maya ne s’entendent plus, le zoo va s’en débarrasser

Depuis juin, le zoo publie régulièrement des communications visant à « préparer » le public à la suite. Selon le zoo, les deux éléphantes restantes, Rosy et Maya, ne s’entendraient plus. La mort d’Heri, qui jouait un rôle pacificateur, a bouleversé leur équilibre social – une réaction connue chez les éléphants, capables de vivre le deuil. Plutôt que d’assumer sa responsabilité, le zoo choisit la fuite en avant : exiler Rosy et Maya dans d’autres zoos, puis introduire de nouveaux éléphants pour continuer son programme de reproduction en captivité – avec le soutien de l’Association européenne des zoos et aquariums (EAZA).

« Les deux seules éléphantes encore en vie au zoo, Rosy et Maya, âgées de 30 ans et n’ayant jamais conçu, n’ont aucune perspective de reproduction », selon le Dr. Keith Lindsay. « Le zoo semble vouloir les envoyer ailleurs, vers des lieux non précisés, pour introduire à leur place de jeunes femelles et au moins un mâle, dans l’espoir de tenter une nouvelle fois ce qu’il a toujours échoué à réaliser jusqu’ici : l’accouplement, la gestation, la naissance et la survie de petits. »

Rosy et Maya méritent mieux

Les connaissances scientifiques sur les éléphants sont aujourd’hui claires : ces animaux ont besoin d’espaces très vastes, de sols naturels, de relations sociales complexes et choisies, ainsi que de stimulations permanentes pour répondre à leur grande intelligence et à leur curiosité. 

Aucun zoo, et en particulier pas celui de Bâle, ne peut offrir de telles conditions. Le programme de reproduction des éléphants en captivité n’a, par ailleurs, aucune finalité de conservation dans la nature. Il n’a qu’un seul objectif: maintenir une population «auto-suffisant d’éléphants dans les zoos européens, sans aucune perspective de réintroduction dans la nature. Autrement dit, il ne sert qu’à préserver un système de captivité destiné au divertissement humain.

Dans ce contexte, Rosy et Maya devraient être transférées dans un sanctuaire – il en existe deux en Europe, en France et au Portugal – où elles pourraient bénéficier d’un environnement plus adapté à leurs besoins et vivre leurs dernières décennies dans la dignité.

Un changement profond de mœurs

Depuis des années, nous attirons l’attention sur la problématique de la détention des éléphants dans les zoos. Et si beaucoup de nos lecteurs gardent une affection sincère pour ces institutions en Suisse, les exemples récents montrent que même les zoos de notre pays n’offrent pas aux éléphants les conditions qu’ils méritent. Il est temps de faire évoluer nos mœurs. Un jour viendra où l’on s’interrogera, avec étonnement, sur le fait que l’on ait pu considérer comme normal d’enfermer des animaux aussi sensibles et intelligents dans des enclos minuscules, et de leur faire subir de tels mauvais traitements au nom de la « conservation ».

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