30.03.2021
Viktoria Kirchhoff

Bonrook : Au paradis des chevaux sauvages

Après des mois à trépigner d’impatience en espérant la réouverture du Territoire du Nord aux visiteurs en provenance de Sydney et d’autres régions d’Australie à cause du Coronavirus, j’ai finalement pu organiser mon voyage au Franz Weber Territory. L’attente valait la peine…

La première chose qui vous frappe à Bonrook, c’est la chaleur: 40 degrés et pas le moindre souffle de vent. Alors que sous d’autres tropiques, octobre est synonyme de belles rougeurs d’automne, ici c’est le soleil qui rougit la terre de feu des chevaux sauvages. Même si la fin de la saison sèche approche, la nature est méconnaissable par rapport à ma dernière visite, qui remonte à février dernier: désormais, l’herbe est desséchée et a pris une teinte jaune-brun, les rivières et les ruisseaux sont secs, et la terre est rugueuse et craquelée comme une vieille peau. «Nous n’avons eu qu’une très brève pluie il y a trois semaines» m‘explique Sam Forwood, le légendaire directeur de Bonrook Station, qui depuis près de 25 ans fait la pluie et le beau temps sur le Franz Weber Territory. «Comme tout est sec, nous pouvons nous aventurer beaucoup plus loin sur ce territoire de 500 km2 (soit 18 km sur 28 km) cette fois!» se réjouit-il.

Somptuese diversité
Nous pénétrons dans le bush au volant du légendaire 4×4 Toyota Land Cruiser du Franz Weber Territory. Acquis par la Fondation il y a plus de 30 ans, ce véhicule tout-terrain mythique n’a désormais plus de portes ni de vitres. Mais il a beau en être à sa deuxième boîte de vitesses et à son troisième moteur, il fonctionne toujours à merveille! Sam s’en amuse: «À Bonrook, rien n’est jeté que je ne puisse pas réparer.»

Notre premier arrêt est le plus proche point d’eau. Ici, l’eau est pompée pendant la saison sèche afin que les brumbies, les chevaux sauvages australiens, puissent toujours s’abreuver, y compris en cas de sécheresse. C’est également à cet endroit très fréquenté que nous disposons les nouvelles pierres à sel. Ces dernières fournissent aux chevaux les vitamines et les minéraux dont ils ont besoin pendant la saison chaude. De retour dans la Toyota, nous reprenons la route à travers des chemins poussiéreux et faits de pierre, de terre et de lits de rivières asséchées. Alors que nous approchons d‘un billabong – sorte de point d’eau naturel typique du bush australien -, qu’elle n‘est pas notre surprise de découvrir d’un coup un sublime patchwork d’animaux en train de s’ébattre joyeusement: brumbies, vaches sauvages, jabirus (un oiseau semblable à la cigogne), galahs, ibis d’Australie (ibis blancs), buffles d’eau avec leurs aigrettes sur le dos mais aussi cacatoès noirs. La diversité australienne dans toute sa splendeur!

Prospérité
Après nous être délectés de cette scène magique, nous décidons de nous enfoncer plus profondément dans le Franz Weber Territory. Là encore, nous n’en croyons pas nos yeux: tous les cent mètres nous découvrons un nouveau troupeau de brumbies! Leurs crins épais, brillants et soyeux ne laissent aucun doute sur leur état: ils respirent la vitalité et la bonne santé. Cela est d’autant plus rassurant que la saison sèche touche à sa fin, ce qui en général est synonyme de perte d’état chez les chevaux étant donné qu’il s’agit d’une période où le fourrage est moins abondant. En pleine forme, les étalons fanfaronnent ainsi joyeusement afin de montrer leurs talents de chefs de troupeaux. La difficulté est de parvenir à les approcher le plus près possible – soit environ 30 mètres – avant qu’ils ne détalent au grand galop. Preuve de cette prospérité, chaque troupeau possède a minima un ou deux petits poulains qui cabriolent sous le regard attentif de leurs mamans. Tous semblent avoir entre deux jours et deux semaines. «La plupart des poulains naissent ici en octobre, juste avant le début de la saison des pluies, au moment où il va de nouveau y avoir beaucoup d’herbe fraîche et verte» explique Sam. Pas de doute, cet important renouvellement des générations montre clairement que les brumbies se portent très bien à Bonrook!

Surprises
Alors que nous reprenons la route, je suis soudain interpelée par la vue d‘une épaisse masse rouge vif étalée sur les troncs d’arbres et sur le sol devant eux. Le Franz Weber Territory serait-il le théâtre de meurtres en série? «Pas d’affolement!», me rassure Sam, amusé par ma mine déconfite.«C’est juste de la résine qui suinte du tronc d’arbre en grande quantité à la fin de la saison sèche» explique-t-il, ajoutant qu‘il s’agit d’une espèce d’eucalyptus de la famille Bloodwood, l’Eucalyptus latifolia, qui, confrontée à l’augmentation des températures et de l’humidité, provoque ce phénomène quelque peu effrayant.

Je ne suis pas au bout de mes surprises: alors que la terre, grise et desséchée, semble incapable d’accueillir en son sein quelque vie que ce soit, je remarque soudain que de ravissantes petites fleurs violettes s’en extraient. A nouveau, mon précieux guide m‘éclaire: «Il y a trois semaines, nous avons eu une pluie très courte et légère. Ce sont des Brunoniella australis, également appelées«trompettes bleues», qui fleurissent à merveille ici en Australie subtropicale après la toute première averse de la saison».

Jusqu’au bout, ces terres sauvages m’émerveillent: sur le chemin du retour pour rentrer à la ferme, quelle n’est pas ma joie de tomber sur un nid de mon oiseau préféré, le jardinier à nuque rose. Pour séduire, ce petit bonhomme astucieux a pour particularité de faire de son nid une oeuvre d’art. Tout est bon pour attirer sa future compagne: coquilles d’escargots, morceaux de verre colorés et même ossements ou crottin de cheval!

Nature sauvage et miraculeuse
Pour clôturer ce fabuleux périple, il ne manquait plus qu’une averse digne d’un roman. Déluge, tonnerre … cette première vraie pluie après la saison sèche ne fait pas les choses à moitié, à tel point que pour retourner voir les brumbies le lendemain matin il nous faut prendre les quads pour ne pas nous embourber. Riches en azote, ces torrents d’eau ponctuels ne sont pas vains ici: combinés à la chaleur et à la pression des éclairs, ils ont suffi à faire pousser 2 centimètres d’herbe en seulement quelques heures! La boucle est bouclée: la saison des pluies a commencé et bientôt le Franz Weber Territory sera aussi verdoyant qu’en février dernier, lors de mon précédent séjour.

 

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