A Bonrook, c’était la saison sèche, ces derniers mois. A cette époque de l’année, les familles de brumbies sont en excellente forme. L’herbe indigène et l’eau abondent, les journées chaudes sont sèches. Lors de mes inspections régulières des points d’eau et des clôtures du domaine, je croise toujours des troupeaux de brumbies, qui vivent en liberté sur un terrain de plus de 500 km2.
Les troupeaux de chevaux de Bonrook comprennent chacun quatre à douze membres – mais, chose fascinante, je constate qu’ils se rassemblent surtout en groupes de sept. Lorsqu’on croise ces troupeaux, les chevaux fuient ou nous font face, suivant l’attitude du mâle dominant. Souvent, ils s’enfuient, car c’est leur réaction instinctive et leur principal mécanisme de défense. Les troupeaux qui, quant à eux, décident de tenir bon face à la potentielle menace constituent un objet d’étude intéressant et nous prenons le temps de les observer tranquillement, assis dans une voiture de la réserve.
Souverain majestueux surson territoire
Le mâle dominant, plein de testostérone et d’énergie, parade devant le troupeau. Il écume, piaffe et danse en me regardant fixement, me faisant bien comprendre qu’il est ici chez lui et que je suis l’intrus qui viole son territoire. Le reste du troupeau observe attentivement la scène depuis le maquis, toujours dans le clair-obscur ou à l’ombre des arbres.
Yearlings, poulains et juments
Les yearlings (jeunes entre 1 et 2 ans), conscients de leur rang dans la hiérarchie, restent en retrait ou sur les côtés, et ne me quittent pas des yeux. Les jeunes poulains sont les plus difficiles à voir, car leurs mères se placent de manière protectrice entre eux et le moindre danger, réel ou perçu. Les petits se pressent contre leurs flancs rassurants. Tous les membres du troupeau sont parfaitement soignés : aucun nœud dans leur queue ni dans leur crinière, qui flotte doucement au vent et brille au soleil.
Libres et sauvages
Ici, pas question de les apprivoiser ! À Bonrook, les brumbies vivent libres et indomptés. On le voit déjà à leur allure. Ils respirent la sauvagerie, aussi ardents que les éclairs qui zèbrent le ciel au début de la mousson.
Sur l’ordre du mâle dominant, ils repartent. Presque comme un seul corps, ils se retournent à toute vitesse. La jument de tête, l’éclaireuse, explore le chemin avec une agilité remarquable. Elle semble voler au-dessus du sol en ouvrant élégamment la voie au troupeau.
À présent, ils galopent gracieusement à travers le bush, passant sous les eucalyptus et les filaos, gardiens silencieux de la savane du Nord, et sous les branches des campêches. Les juments guident les poulains et les gardent auprès d’elles. Les yearlings s’ébattent insolemment avec toute l’exubérance juvénile, mais leurs tantes les rappellent sévèrement à l’ordre. Le grand mâle forme l’arrière-garde, pour veiller à ce que personne ne reste à la traîne.
Brèves rencontres, impressions éternelles
Pendant quelques instants, nos chemins se croisent. Avant qu’ils ne se séparent, je passe quelques minutes, tout au plus, en leur compagnie. Puis ils retournent à leur vie dans leurs groupes familiaux, réglée par les saisons, dans la nature intacte. Moi, je retourne à mes tâches quotidiennes sur le terrain, au rythme des jours et des heures, me réjouissant déjà de notre prochaine rencontre.