Surpêche, mort des coraux, espèces en voie de disparition: Bienvenue aux Caraïbes. Victime de son succès, la plus célèbre des destinations touristiques paradisiaques est en danger. La surpopulation côtière, les mauvaises pratiques de pêche et le tourisme de masse commencent à avoir raison de ses ressources. Désormais, l’archipel est aux abois. Emus par cette tragédie, six pays ont retroussé leurs manches, avec l’aide de la Fondation Franz Weber, pour voler au secours de ce patrimoine unique et tenter de sauver sa culture et ses écosystèmes.
Les Caraïbes, vous connaissez? Soleil, cocotiers, eaux turquoises et plages de sables blancs. ça, c’était avant. Aujourd’hui, la situation de cet archipel renommé dans le monde entier pour ses paysages et ses fonds paradisiaques est loin de la carte postale idyllique. Face à l’urgence de la situation, la Fondation Franz Weber a mis au point la campagne «Gran SeaFlower» afin de fédérer six Etats des Caraïbes autour d’un projet de sauvegarde de ce patrimoine unique au monde. Objectif: aboutir à un accord plurinational de gestion environnementale dans la zone sud-ouest de ces tropiques.
Coopération
Le projet a reçu bon accueil dans la region, ce qui a permis à la Fondation de rapidement identifier des partenaires scientifiques et politiques dans plusieurs pays tels que la Colombie, le Costa Rica, le Honduras, la Jamaïque, le Nicaragua et le Panama. Cet ancrage et ce soutien local est essentiel aux yeux de la Fondation: rien ne peut se faire sans le concours des pays limitrophes qui sont les premiers concernés par la dégradation écologique de cette région. En outre, la Fondation a pour principe de ne pas faire d’ingérence: elle propose, soutien, encourage, mais elle n’impose rien. Il ne s’agit donc pas de créer des besoins, mais au contraire d’offrir un tramplin aux communautés locales pour leur permettre de tisser des liens, de coopérer et de tendre vers une gestion holistique et régionale de la culture et de la conservation. En outre, le concours des différents pays a permis de mettre en place des groupes de travail qui ont pour mission d’intervenir en qualité de facilitateurs locaux. Ces groupes ont fait ressortir trois axes – ethnique, scientifique et institutionnel – autour desquels s’articulera une stratégie holistique tant pour la conservation que pour la restauration de ce petit coin de paradis, considéré comme la troisième plus grande formation corallienne au monde.
Biodiversité unique
D’un point de vue scientifique, la richesse de cette zone pour la biodiversité mondiale est en effet inestimable. Dans un rapport de l’IPBES datant de 2019 sur la biodiversité aux Amériques, les scientifiques révèlent que le sudouest des Caraïbes est la zone dont la faune et la flore côtières et marines sont les plus riches en biodiversité de toutes les Amériques et donc de tout l’hémisphère occidental!
Santuaire pour espèces considérées éteintes alleurs
Plusieurs espèces ne se trouvent que sous ces tropiques. C’est notamment le cas du requin de récif. Rarissime partout ailleurs, de nombreux spécimens de cette espèce subsistent dans l’archipel de San Andrés, surnommé Seaflower, et déclaré réserve mondiale de la biosphère en 2000 par l’UNESCO. Leur présense est si abondante sur les différents sites de cette zone et à Seaflower qu’ils constituent la plus importante population de requins de récif de l’ensemble des Caraïbes. Ces observations sont d’autant plus intéressantes que d’après une étude publiée récemment dans la revue Nature portant sur l’observation et le recensement des requins de récif pendant quatre ans dans 371 récifs de 58 pays du monde, il apparaît que ces requins disparaissent de façon dramatique dans la plupart des océans. A titre d’exemple, en République dominicaine, au Qatar, Vietnam et Kenya, seuls trois requins de récifs ont été enregistrés en plus de 800 heures de tournages vidéo et, globalement, 60 % des enregistrements ont révélé une situation bien plus inquiétante que prévu. Pire, dans 20 % des récifs examinés, les requins étaient tellement introuvables qu’ils sont désormais considérés comme fonctionnellement éteints dans ces écosystèmes minés par la surpêche!
Complications
Mais la crise sanitaire à contrarié nos projets. Avec le Covid, trois grands sommets prévus en mars pour présenter publiquement la campagne ont dû être annulés. Loin de décourager nos équipes, ces difficultés ont boosté notre créativité. Ainsi, la campagne «Gran SeaFlower» a été repensée pour d’adapter aux contraintes posées par la pandémie: grâce aux échanges virtuels, les groupes de travail oeuvrant pour notre ambitieux programme de coopération internationale ont pu pour la plupart être maintenus, même si certaines échéances ont dû être repoussées.
Opportunité
La quarantaine a en outre permis de trouver du temps pour développer le site internet de la campagne et y compiler tous nos projets. Les visiteurs du site auront ainsi accès à un nouveau menu enrichi en cartes interactives, contenu scientifique exclusif et banque de projets. Lieu d’échanges, notre site constituera également un lieu de dialogue pour quiconque souhaiterait contribuer au débat. Nous visons en particulier les pêcheurs et les enseignants, dont les connaissances et l’expérience peuvent grandement enrichir nos projets.
Défis
Le chemin est encore long: notre campagne doit encore relever de nombreux défis afin de renforcer le dialogue entre les États, souvent tentés par un repli souverainiste. A cet égard, le principal objectif est de parvenir à transcender les crispations identitaires pour concentrer le débat autour de l’écologie. A cet effet, il est envisagé de créer une «École caribéenne de politique environnementale» afin de démocratiser la culture de l’écologie et de sensibiliser les politiques aux questions scientifiques et environnementales: les Caraïbes constituent un ciment regional, un patrimoine commun pour les pays qui les entourent; il est dans l’intérêt de tous de les protéger! Telle une petite graine, cette idée commence à faire son chemin, mais il faudra du temps pour surmonter les obstacles et les contraintes liées à la situation sanitaire. En attendant, nous pouvons compter sur de nombreux atouts en notre faveur: les Etats commencent à comprendre qu’il est dans leur intérêt de protéger leurs ressources naturelles, et le soutien des communautés locales et scientifiques nous est acquis. Le temps presse, le Covid nous l’a brutalement rappelé: seule une mobilisation générale pour renforcer les zones vulnérables permettra d’envisager un avenir moins sombre pour la planète.
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