02.11.2022
Fondation Franz Weber

Sauver les éléphants

La lutte pour la sauvegarde des éléphants continue. Du 14 au 25 novembre 2022, au Panama, notre équipe d’experts participera à la 19e Conférence des Parties (CoP19) de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).

Fruit d’un accord international conclu entre différents gouvernements, la CITES a pour objet de s’assurer que le commerce international des spécimens de la faune et de la flore sauvages ne menace pas leur survie. En effet, dès lors que le commerce est transfrontalier, une coopération internationale est nécessaire afin de prévenir tout risque de surexploitation. Le portefeuille de la CITES est colossal : environ 37 000 espèces animales et végétales sont concernées par ses politiques de régulation. Cela fait d’elle le plus important – et potentiellement le plus efficace – organisme au monde dédié à la conservation. Parmi les animaux, les éléphants font partie des poids lourds des négociations pour les 184 pays (dénommées Parties) signataires de la Convention.

Classement par ordre de priorité
Les espèces couvertes par la CITES sont répertoriées en 3 Annexes, en fonction du degré de protection dont elles ont besoin. L’Annexe I concerne les espèces menacées d’extinction. Dans ce cas de figure, le commerce est autorisé uniquement dans des circonstances exceptionnelles. L’Annexe II quant à elle, concerne les espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d’extinction, mais dont le commerce doit être contrôlé afin d’éviter tout risque de surexploitation. Enfin, l’Annexe III concerne les espèces protégées a minima dans un pays, dans le cas où ce dernier aurait sollicité les autres Parties à la CITES pour l’aider à en contrôler le commerce.

La Conférence des Parties (CoP), qui constitue l’instance suprême de décision de la CITES, a convenu d’un ensemble de critères biologiques ou commerciaux qui contribuent à déterminer si une espèce doit figurer dans l’Annexe I ou II. Lors de chaque session ordinaire de la CoP (tous les 2 ou 3 ans), les Parties soumettent des propositions sur la base de ces critères afin d’amender ces deux annexes. Ces propositions d’amendement sont discutées puis soumises au vote.

Campagnes historiques
Depuis la création de la Convention en 1975, les éléphants d’Afrique sont au coeur des préoccupations de la Fondation Franz Weber et de la CITES. Et pour cause : jusqu’à la fin des années 80, l’Afrique a connu un effondrement catastrophique de ses populations d’éléphants. En raison de la forte demande d’ivoire, près de 60% des individus avaient disparu. Au cours de cette période, les transactions commerciales internationales étaient autorisées par la CITES.

Les effectifs de ces animaux ayant atteint un seuil critique, les Parties à la CITES réunies à Lausanne lors de la CoP de 1989 se sont mobilisées et ont voté en faveur de l’inscription des éléphants à l’Annexe I. Cette classification, qui allait sonner le glas du commerce international de l’ivoire pendant plusieurs années, a constitué un pas en avant décisif dans la protection des populations d’éléphants d’Afrique restantes. Grâce aux interventions de Franz et Judith Weber, intervenus personnellement et avec succès auprès des Parties afin de les inciter à voter en faveur des éléphants, la Fondation Franz Weber a joué un rôle déterminant dans la mise en oeuvre de cette décision. Grâce à cela, au cours de la décennie qui a suivi, la tendance s’est inversée et les populations d’éléphants se sont stabilisées à travers tout le continent.

Dangereuses exceptions
La CoP de 1997 à Harare a changé la donne : à cette occasion, quatre pays d’Afrique australe, le Botswana, la Namibie, le Zimbabwe (l’Afrique du Sud a suivi en 2000) sont parvenus à convaincre les Parties que leurs populations d’éléphants étaient suffisamment importantes pour respecter les critères biologiques permettant de les inscrire à l’Annexe II. Cela signifiait que, tandis que le reste des éléphants présents sur le continent restait inscrit à l’Annexe I, ces quatre pays étaient autorisés à reprendre le commerce de l’ivoire, avec certaines restrictions définies par la CITES. En outre, en 1998, et en 2008, le Comité directeur de la CITES leur a permis de vendre leurs stocks d’ivoire nationaux, soit plus de 150 tonnes, au Japon et à la Chine. Le résultat n’a pas tardé à se faire sentir : après chaque vente, les populations se sont à nouveau effondrées. Ainsi, en à peine sept ans à compter de 2008, l’Afrique a perdu un autre tiers de ses éléphants. Lors de la CoP de 2016 à Johannesburg, une majorité de nations africaines (membres de la Coalition pour l’éléphant d’Afrique dite CEA), soutenue par la Fondation Franz Weber, a fait campagne pour réintégrer les éléphants de ces quatre pays à l’Annexe I. En vain. Si cette tentative s’est soldée par un échec, nous avons néanmoins pu obtenir un accord intérimaire de la CITES, garantissant qu’elle n’autoriserait plus d’autres ventes de stocks nationaux. Cet engagement subsiste, mais il risque d’être dénoncé, à moins que toutes les populations d’éléphants ne soient à nouveau inscrites à l’Annexe I.

Ne rien lâcher
Face à ce problème, la lutte continue: en novembre prochain, les Parties de la CEA, toujours soutenues par la Fondation Franz Weber, tenteront de convaincre l’ensemble des Parties à la CITES de la nécessité d’inscrire les éléphants à l’Annexe I. Fidèle à ses positions, le Zimbabwe a présenté, en amont de la CoP, une proposition en faveur de la commercialisation de ses stocks d’ivoire. Les débats sur cette question seront déterminants pour les éléphants : si la proposition du Zimbabwe venait à obtenir des soutiens, et si la réinscription à l’Annexe I n’était pas adoptée, ces animaux risquent à nouveau de se rapprocher dangereusement de l’extinction.

Le commerce international de l’ivoire n’est pas la seule menace qui pèse sur les éléphants d’Afrique. L’exportation d’éléphants vivants hors d’Afrique est également en cause. Lors de la CoP de 2019 à Genève, les Parties avaient empêché in extremis le Zimbabwe de vendre des éléphanteaux capturés à l’état sauvage à la Chine et aux Émirats arabes unis. Une fois encore, l’action de la Fondation Franz Weber avait été déterminante…

Cette problématique est toujours d’actualité : l’an dernier, une enquête de la FFW révélait l’exportation de 22 éléphants vivants de la Namibie vers les Émirats Arabes Unis. Et pour cause : Windhoek profite d’un vide juridique dans la décision de la CITES pour mener à bien son juteux trafic. C’est l’un des principaux enjeux de la CoP19 : il s’agira pour la Fondation Franz Weber ainsi que pour la CEA et les ONG partenaires de tenter de combler ce vide juridique afin d’empêcher la Namibie de procéder à de nouvelles exportations d’éléphants vivants.

Ce n’est pas le seul enjeu : au Panama, la CoP offrira également la possibilité de renforcer la sécurité et la documentation des stocks d’ivoire nationaux. En effet, un grand nombre de pays possèdent des stocks d’ivoire provenant de prélèvements sur des éléphants décédés de mort naturelle ou de saisies d’ivoire braconné. Etant donné les précédents désastreux liés aux ventes des stocks d’ivoire, la Fondation Franz Weber espère que toutes les Parties se positionneront fermement contre le blanchiment de l’ivoire au marché noir.

Forts de nos partenariats et de la Coalition pour l’éléphant d’Afrique, nous avons bon espoir qu’en travaillant dans le cadre des mécanismes de la CITES, nous parviendrons une fois encore à garantir la survie future de l’éléphant d’Afrique, l’un des plus emblématiques représentant sauvage de notre planète!

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