Notre campagne pour sauver les éléphants des zoos argentins se poursuit avec succès: deux éléphantes d’Asie – une mère et sa fille –, ont pu être transférées de l’Écoparc de Mendoza vers notre Sanctuaire partenaire au Brésil.
Après Mara, transférée en mai 2020, c’est au tour de Pocha et de Guillermina, sa fille, de fouler les terres du Mato Grosso et de savourer, pour la première fois de leur vie, l’herbe fraîche et la liberté, après une vie de privation. Vous vous en doutez, transférer non pas un mais deux éléphants d’un pays vers un autre n’est pas une sinécure!
Coopération internationale
Malgré notre détermination sans faille, rien n’aurait été possible sans le concours et l’expertise du Global Sanctuary for Elephants, où nos protégées coulent désormais des jours heureux. Cette réserve, spécialisée dans le sauvetage de pachydermes, est chapeautée par la célèbre ONG ElephantVoices.
Un mur de pierre pur seul horizon
Comme Mara, Pocha et Guillermina ont vécu l’enfer. Toutes trois viennent du même endroit: le zoo de Mendoza, rebaptisé «écoparc de Mendoza», après qu’il se soit engagé à libérer ses pachydermes. Pendant plus de vingt ans, l’horizon de ces éléphantes s’est limité à un mur de pierre. Pourtant, elles sont nées pour vivre en troupeau et pour parcourir chaque jour des dizaines de kilomètres…
Pendant des années, le zoo de Mendoza, l’un des plus anciens d’Argentine, est resté sourd à la souffrance de ses
animaux. Construit à flanc de colline, ce parc a longtemps collectionné les espèces pour attirer toujours plus de visiteurs. Problème: afin de compenser la géographie escarpée de son emplacement, certaines enceintes ont dû être creusées dans des fosses et dans des grottes, afin de valoriser chaque centimètre carré – au détriment du bien-être animal.
Progrès
Grâce à la mobilisation des militants de la cause animale, la société argentine a peu à peu pris conscience du sort des animaux incarcérés dans des zoos. Montrés du doigt par une opinion publique de plus en plus hostile à leur égard, les zoos se sont retrouvés acculés. C’est dans ce contexte, en 2016, suite à l’adoption d’une loi par la province de Mendoza, que le zoo éponyme a été reconverti en écoparc, avec à sa tête, une nouvelle directrice, déterminée à faire la différence pour les animaux: Mariana Caram. Ardente promotrice du bien-être animal, Mariana s’est donnée pour mission d’améliorer les conditions de vie des pensionnaires du parc et, quand cela est possible, d’organiser progressivement leur transfert vers des sanctuaires.
Opportunité
Enchantée de ce dénouement, fruit d’une longue mobilisation, la FFW, en son rôle de médiateur et de facilitateur, a virtuellement présenté Mariana Caram à Scott Blais, le co-fondateur de Global Sanctuary for Elephants, pour qu’ensemble ils trouvent une solution de sortie pour les éléphants captifs de Mendoza. Le timing était parfait: Scott Blais se trouvait justement au Brésil, en quête d’un site où créer une réserve pour les pachydermes captifs d’Amérique du Sud – le futur Sanctuaire brésilien des Éléphants. Séduite par son projet, Mariana lui a tout de suite prêté main forte, acceptant de signer sur-le-champ une déclaration d’intention par laquelle elle s’engageait à envoyer quatre éléphants de l’ancien zoo au Brésil, dès que le sanctuaire serait prêt à les accueillir. Objectif: envoyer dès que possible Mara, Guillermina et ses parents, Pocha et Tamy, ainsi que Kenya, le seul éléphant d’Afrique de Mendoza, au Brésil.
Un long chemin vers la liberté
Il était temps: avant d’en arriver à ces délibérations, la vie de ces malheureux animaux n’était que souffrances. Pocha, par exemple, est arrivée à Mendoza dans les années 1960. Transférée d’Allemagne alors qu’elle n’avait que 4 ans, elle a longtemps vécu avec Tamy, un éléphant d’Asie arrivé au zoo après son abandon par un cirque. Au bout de quelque temps, une petite éléphante, baptisée Guillermina, est née de leur union. Dès lors, la vie de la petite famille bascule: soucieux d’éviter de nouvelles naissances, le zoo décide de séparer Pocha et Tamy, et de confiner les deux femelles dans un minuscule enclos de 300 m2, séparé de Tamy par une porte en fer. Seul un petit espace entre les barreaux leur permettait de communiquer…
Reconversion: un travail d’équipe, coordonné et financé par la FFW!
Après tant d’années de captivité, il était nécessaire de soigneusement préparer les éléphantes pour les aider à s’adapter à leur nouvelle vie. Impossible de les faire voyager plusieurs jours et de les lâcher d’un coup dans la nature sans préparation!
Une équipe s’est donc rapidement constituée pour «coacher» les éléphantes. Grâce aux fonds généreusement mis à disposition par la FFW, les experts du sanctuaire brésilien ont ainsi pu entraîner le duo mère fille à subir toutes sortes d’examens médicaux (notamment des prises de sang) nécessaires à l’obtention d’un certificat sanitaire international – une condition indispensable pour franchir la frontière du Brésil. Enfin, il était également essentiel de préparer la mère et la fille à être séparées pendant le transfert, étant donné que pour leur confort et leur sécurité, il était nécessaire de les transporter dans des conteneurs distincts.
Renforcement positif
Entrainer un éléphant, sans le traumatiser, pour obtenir sa coopération, n’est pas une mince affaire: il faut du temps, beaucoup de patience, et surtout, une quantité illimitée de friandises! Dans le cas de Pocha et de Guillermina, il fallait également tenir compte de leur environnement de vie étriqué et peu accessible: sans travaux, impossible de mettre les conteneurs dans la fosse pour procéder aux répétitions. Il a donc fallu adapter l’enclos au dressage et abattre un mur! Une fois les conteneurs en place, une année entière a été nécessaire pour que les éléphantes apprennent, grâce à la nourriture, à y entrer et à en sortir.
Au bout d’un an, Pocha et Guillermina étaient enfin prêtes pour le grand voyage: totalement familiarisées à leur cage de transport, les éléphantes y entraient même pour jouer! Rien n’a été laissé au hasard: mère et fille ont pu voyager face à face, afin qu’elles puissent se voir et communiquer durant leurs 5 jours de route jusqu’au sanctuaire.
Le voyage d’une vie
Escortées par leurs soigneurs, par l’équipe du Sanctuaire et par deux membres de notre équipe (Federico Sordo et Leandro Fruitos), Pocha et Guillermina ont pu débuter leur long périple vers leur nouvelle vie. Après cinq jours de voyage ponctués d’arrêts toutes les deux ou trois heures, mère et fille ont pu enfin arriver dans leur nouvelle demeure. Pourtant, une fois sur place, c’est la sidération: impossible de
convaincre Pocha de quitter son conteneur. Pendant plus de huit heures, elle resta prostrée à l’intérieur, refusant d’avancer vers la lumière. C’est donc Guillermina qui ouvrit le bal! Rassurée par la présence de sa fille, Pocha décida finalement de la suivre vers l’inconnu.
Stigmates
Hélas, la captivité a laissé des traces chez ces animaux: plusieurs jours ont été nécessaires à Pocha et à Guillermina pour qu’elles osent s’aventurer hors de la zone de confort qu’elles avaient établi au niveau des conteneurs, ce malgré les tentatives d’approche d’autres éléphantes du sanctuaire venues les accueillir. Pocha et Guillermina ont vécu trop longtemps dans leur bulle pour s’ouvrir en quelques jours à de nouveaux stimuli. Il leur faudra du temps pour se reconnecter à leur instinct, et au plaisir de vivre dans de vastes espaces. Si cette lente progression est quelque peu frustrante pour nos équipes, qui ne vivent que pour assurer le bonheur de ces animaux, chaque jour, nos partenaires notent de petits progrès: depuis quelques temps, quand elles sentent le sable doux sous leurs pattes, les éléphantes s’en aspergent avec leur trompe – signe de bonheur et de plaisir. L’essentiel est assuré: désormais, elles ont toute la vie pour apprendre à vivre!
Après les transferts réussis de Mara (2020), Pocha et Guillermina (2022), nous ne comptons pas nous reposer sur nos lauriers: nous oeuvrons déjà de nouveau d’arrache-pied pour préparer le transport d’autres éléphants vers le sanctuaire. Les prochains voyageurs à destination du Brésil seront Kenya (un éléphant d’Afrique issu lui aussi de l’Écoparc de Mendoza) Kuki et Pupi (deux éléphants d’Afrique de l’Écoparc de Buenos Aires) et enfin, Tamy, le père de Guillermina. Ces transferts sont hautement symboliques: ces éléphants représentent les derniers pachydermes captifs d’Argentine! Une fois qu’ils seront en lieu sûr, l’Argentine pourra donc se targuer de ne plus compter un seul éléphant en captivité sur son territoire! Et nous ne comptons pas en rester là: tant d’autres en Amérique du sud rêvent d’une vie meilleure derrière leurs barreaux! Rendre à ces animaux la liberté et la dignité que l’Homme leur a volé est bien le minimum que nous puissions faire… |