08.05.2024
Anna Zangger

Ces magnifiques zones protégées sont en danger

La loi sur l’électricité facilite la construction d’infrastructures de production d’énergie jusque dans nos paysages protégés les plus précieux. Il faut s’opposer à ces atteintes à la nature en votant NON à la loi sur l’électricité le 9 juin.

Ce qu’il faut savoir au préalable : la Constitution fédérale définit des intérêts dotés par principe d’une importance égale, qui, lors d’un conflit d’intérêts, doivent être pesés avec soin et sans parti pris. Or la loi sur l’électricité introduit un changement radical qui détruit cet équilibre en voulant faire primer la construction de grands parcs éoliens, et solaires et de centrales hydrauliques sur tous les autres intérêts, y compris celui de la protection de la nature. Qui plus est, elle supprime l’obligation de compenser ailleurs les atteintes inévitables infligées aux paysages protégés.

Cela pourrait amener à construire des centres de production d’énergie jusque dans les paysages les plus précieux de Suisse, c’est-à-dire ceux qui sont classés à l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP). Or, selon l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), « la Confédération et les cantons sont légalement tenus de conserver intacts les caractéristiques paysagères naturelles et culturelles de ces objets ainsi que leurs éléments marquants ». La loi sur l’électricité vient brutalement affaiblir ces règles établies.

On trouvera un avant-goût de ce que l’avenir pourrait nous réserver dans le canton des Grisons, qui prévoit de créer des parcs éoliens à des endroits exposés, dans les plus beaux paysages et zones touristiques, de Lai jusqu’à l’Engadine en passant par Arosa et Davos, ainsi que dans le voisinage immédiat du Parc national suisse.

Ceci n’est que le début. Partout dans le pays, des paysages protégés sont menacés – et le danger vient aussi bien des centrales hydroélectriques que des parcs éoliens et solaires, comme le montre l’aperçu suivant.

Centrales hydroélectriques

Concrètement, la loi sur l’électricité autorise la construction de 16 centrales hydroélectriques. Certaines ne posent pas vraiment de problèmes (surélévation du mur de barrage avec des conséquences relativement bénignes pour l’environnement). D’autres, en revanche, sont situées directement dans des zones classées à l’IFP et endommageraient de précieux habitats naturels tels que les tourbières, les prairies alluviales ou les zones de frai, et mettraient en danger des espèces rares d’animaux et de plantes.

  • Barrage de Gornerli (Zermatt, VS) : le projet poussé par le fournisseur d’électricité Alpiq se trouve dans le site national protégé du Cervin et détruirait un paysage de prairies alluviales protégé. Des documents officiels, que Tamedia s’est procuré via la loi sur la transparence, montrent que, de tous les barrages envisagés, celui de Gornerli serait le plus néfaste pour la nature et le paysage. Le glacier du Gorner est l’un des derniers paysages de glacier préservés des Alpes, selon Raimund Rodewald, directeur de la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (SL-FP).
  • Surélévation du mur du barrage du Grimsel et de celui du lac de l’Oberaar (BE) : ce projet aurait lui aussi un fort impact environnemental. Situé dans le site national protégé du glacier alpin d’Aletsch, il détruirait des paysages protégés de marais (initiative de Rothenthurm) et des zones alluviales, et mettrait en danger des mousses également protégées.
  • Retenue du grand glacier d’Aletsch (BE) : ce projet de centrale hydroélectrique se trouve lui aussi dans le site national protégé du glacier d’Aletsch.
  • Retenue de Trift (BE) : le Trift est un paysage de prairies alluviales d’importance nationale et l’un des derniers paysages préservés de Suisse.
  • Chummensee, Grengiols (VS) : à cet endroit est prévue une nouvelle retenue, ou plus exactement une surélévation du mur. Le site se trouve dans le parc paysager de la vallée de Binn, ainsi que dans le corridor écologique suprarégional du Ritterpass, et affecterait également des mousses protégées.
  • Surélévation du barrage de Göscheneralp (UR] : la surélévation prévue à cet endroit est problématique, car elle menacerait des marais d’importance nationale.

 

Parcs éoliens

La loi sur l’électricité vise par ailleurs à faciliter la construction de parcs éoliens dans des sites protégés ou dans à proximité immédiate. On soulignera notamment l’impact sur les sites paysagers protégés suivants : à Granges (SO), 4 turbines sont prévues juste à côté du site du Weissenstein, classé à l’IFP. À Tramelan (BE), ce sont 7 turbines qui devraient être érigées dans le voisinage du site protégé des Franches-Montagnes. D’autres parcs éoliens sont prévus dans le massif du Jura, de Burg, dans les cantons d’Argovie et de Soleure, jusqu’à Grandsonnaz, Sur Grati et le Mollendruz dans le canton de Vaud, en passant par Romont et le Mont-Sujet dans le canton de Berne.

On retrouve le même tableau dans la Suisse centrale, par exemple avec les parcs éoliens de Gume et de Bock/Turner, qui seraient construits en bordure ou à l’intérieur du site protégé du Napf. D’après le projet de plan directeur, d’autres parcs éoliens devraient être créés dans le canton de Zurich, dans les sites classés du Rhin-Thur, de l’Irchel ou du Hörnli. En Suisse orientale, par exemple, le site classé du Säntis est concerné (projet Hochalp, AR).

Centrales solaires

Plusieurs projets de parcs photovoltaïques affectent des sites alpins protégés. Par exemple, Grengiols (VS) est situé dans le parc paysager de la vallée de Binn, et Bernina (GR) jouxte deux sites classés à l’IFP.

Conclusion

Un grand nombre de ces paysages suisses très précieux sont menacés par la loi sur l’électricité ou plus ou moins directement lésés. Cependant notre merveilleuse nature et nos paysages magnifiques ne seraient pas les seuls à en pâtir. Comme le formule l’IFP : « Les paysages et les sites et monuments naturels d’importance nationale renseignent sur les aspects géographiques, biologiques et historiques de notre pays. Ils créent un sentiment d’identité auprès de la population, qui les apprécie aussi en tant que lieu de détente. Tous ces aspects ont un effet positif sur le bien-être et la santé et contribuent à la plus-value touristique du paysage. »

Logiquement, dès lors, les sites répertoriés par l’IFP doivent demeurer intacts, également pour notre bien-être et notre santé.

Pour toutes ces raisons, le 9 juin prochain, il faut voter NON à cette loi néfaste et élaborée dans la précipitation.

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