27.11.2024
Jorge Vázquez

Îles Galápagos : Prendre soin des animaux domestiques pour protéger les espèces sauvages

Aux Galápagos, en Equateur, notre équipe mène depuis 2019 une action incroyable pour sauvegarder la faune sauvage unique de cet archipel, gravement menacée par la présence constante des touristes et par celle des animaux domestiques, comme les chats et les chiens.

Les îles Galápagos, situées à 972 km de la côte de l’Équateur, sont célèbres pour être à l’origine de la théorie de l’évolution de Charles Darwin, qui a visité cet archipel avant de publier son œuvre L’Origine des espèces. Elles sont également connues pour abriter des espèces uniques, dont certaines sont malheureusement éteintes, comme la tortue géante de Pinta, dont le dernier spécimen mâle, « Solitario George », est décédé en 2012 après environ 100 ans de vie.

À chaque fois qu’une espèce s’éteint, nous perdons non seulement sa beauté, mais aussi une part de notre esprit, ce lien, ce privilège de partager une planète avec d’autres êtres vivants. « Solitario George » fut un témoin silencieux des effets néfastes de la présence humaine sur sa propre espèce, les tortues herbivores. Celles-ci se nourrissaient de la végétation locale, gravement réduite par l’introduction de chèvres sur l’île. Des efforts ont été déployés pour retirer les chèvres et restaurer la végétation, mais trop tard ; malheureusement, les tortues géantes ne reviendront pas à Pinta.

Des problèmes similaires menacent d’autres espèces uniques de l’archipel, comme les lions de mer, de nombreuses espèces d’oiseaux, les iguanes et les lézards. C’est pourquoi notre fondation consacre de grands efforts pour prévenir d’autres extinctions dans ce paradis, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1978 – la deuxième plus grande réserve marine du monde.

En 2019, notre équipe est arrivée sur l’île de San Cristóbal, capitale politique de la province de Galápagos, pour travailler conjointement avec les autorités locales et les habitants, afin d’élaborer une politique de protection efficace de cet environnement naturel et de sa faune.

Des solutions éthiques

En 2017, le Code organique de l’environnement a été approuvé en Équateur, donnant aux municipalités la responsabilité de réguler la faune urbaine. Cette loi a ouvert la voie à une collaboration avec le maire de San Cristóbal : notre équipe l’a aidé, dès 2019, à rédiger et mettre en œuvre une ordonnance sur la faune urbaine.

Vous vous demandez peut-être pourquoi travailler sur la problématique des chiens et chats plutôt que de se concentrer directement sur la faune sauvage. La réponse est simple et douloureuse : les chiens et les chats domestiques se promenaient souvent sans surveillance, accédant librement aux zones peuplées d’espèces endémiques. Les attaques des animaux domestiques sur la faune sauvage étaient fréquentes, et aucun service vétérinaire n’était alors disponible. De plus, le contrôle des populations de chiens et chats se faisait par empoisonnement, une méthode cruelle et inefficace. Il était donc nécessaire d’agir stratégiquement et immédiatement pour une gestion éthique des populations de chiens et de chats et une protection plus stricte de la faune sauvage.

Malheureusement, malgré les progrès réalisés, en janvier de cette année, onze bébés lions de mer ont été retrouvés morts, attaqués par des chiens errants.

Une approche méthodique et efficace

Notre équipe a mené des enquêtes porte-à-porte pour comprendre la réalité de la faune urbaine à San Cristóbal. Les résultats ont révélé ce qui suit :

• 86 % des personnes interrogées laissaient leurs animaux se promener librement, dont 57 % sans supervision.

• 62 % des personnes ignoraient les bienfaits de la stérilisation, et 86 % n’avaient jamais entendu parler de campagnes éducatives sur la faune urbaine.

• 100 % des répondants ont exprimé en 2019 le besoin d’une ordonnance municipale sur la faune urbaine.

Grâce à ces données, nous avons élaboré une stratégie de travail et d’accompagnement pour que le gouvernement local de San Cristóbal puisse rapidement rédiger et adopter une ordonnance sur la faune urbaine. Cette réglementation impose désormais la stérilisation des chiens et des chats, interdit leur reproduction, limite leur présence aux zones rurales, et restreint l’accès aux plages. Elle oblige les propriétaires à surveiller leurs chiens, à utiliser des laisses et à implanter des puces électroniques, avec des amendes en cas de non-respect.

L’ordonnance reconnaît également les chats comme animaux de compagnie, mettant fin aux tentatives de les considérer comme une « nuisance ». La pandémie de COVID-19 avait interrompu le processus, qui n’a repris qu’en 2021 avec l’approbation de la première ordonnance de faune urbaine de Puerto Baquerizo Moreno.

Convivence responsable : politique publique, éducation et services vétérinaires

L’ordonnance a fourni un cadre pour renforcer les services vétérinaires et augmenter les stérilisations annuelles de 200 à 1 000 interventions grâce à World Vets. La réduction des accidents impliquant des animaux domestiques en est la preuve directe. Le Manuel de Convivence Responsable, une ressource éducative adaptée à la réalité de Galápagos, a été distribué dans 80 % des foyers et utilisé dans les écoles et les événements communautaires.

Dernières actions déployées

Actuellement, nous menons un recensement de la faune urbaine, afin d’obtenir des données précises sur les animaux de compagnie de l’île. Ce projet vise à identifier les colonies de chats, le nombre d’animaux nécessitant encore une stérilisation, et à évaluer les besoins de la population. Nous avons visité 832 foyers en trois semaines, et plus de 75 % des chiens et chats identifiés sont désormais stérilisés, un progrès soutenu par l’ordonnance.

Faune sauvage vulnérable

De nombreux défis restent à relever. Les îles abritent des espèces classées « vulnérables » par l’UICN, comme les iguanes et les lions de mer, souvent exposées à des maladies zoonotiques transmises par les animaux domestiques. 

Des projets de développement touristique dans des habitats naturels essentiels menacent également cet écosystème.

Acteurs du changement

Le travail de notre équipe aux Galápagos, dirigé par Jorge Vázquez, a permis d’établir des avancées historiques dans la culture de conservation et dans la relation des habitants avec leurs animaux de compagnie. En coordonnant les efforts des organisations locales et internationales avec le gouvernement, et en écoutant les besoins des résidents, nous avons encouragé des interactions respectueuses avec la faune urbaine, incluant des ateliers d’éducation, des formations, et des adoptions.

La campagne Convivence Responsable est devenue une politique publique bien ancrée et continue, malgré les changements politiques. Le succès de cette initiative est attesté par la demande d’autres îles de l’archipel de recevoir un accompagnement similaire.

Partager