04.12.2021
Anna Zangger

Initiative contre l’élevage intensif Les lobbies de la viande contre-attaquent!

L’initiative contre l’élevage intensif, lancée en 2018 et soutenue depuis toujours par la Fondation Franz Weber (FFW), veut mettre fin à la maltraitance animale dans l’agriculture. Hélas, les opposants à cette initiative sont nombreux et de mauvaise foi: à les écouter, on pourrait croire que l’élevage intensif n’existe pas en Suisse – or rien n’est plus faux!

Comme toujours, la Fondation Franz Weber s’impose comme chevalier de la cause animale. Avec l’initiative contre l’élevage intensif en Suisse, la FFW espère parvenir à faire intégrer des standards minimaux qui empêcheraient d’utiliser les animaux de rente comme de simples marchandises, sans égard pour leur bien-être et leur dignité. Ses objectifs sont en phase avec l’évolution de la société suisse, qui dans sa vaste majorité, reconnaît désormais aux animaux la faculté de ressentir la douleur et d’en souffrir.

Pourtant, à en croire les détracteurs de l’initiative, en particulier les milieux «pro-viande», l’élevage intensif n’existerait tout simplement pas en Suisse. Il s’agirait même d’un tel «non-problème» que la Commission de l’économie du Conseil national a décidé, mi-octobre dernier, de tout simplement l’ignorer. Or ne faisant pas les choses à moitié, elle a non seulement décidé de rejeter l’initiative, mais également le contre-projet direct préparé par le Conseil fédéral! En somme, le Parlement a montré qu’il faisait fi des préoccupations d’une grande partie de la population suisse.

Guerre de l’information
Depuis quelques temps, les milieux proviande sortent l’artillerie lourde pour tenter de nous persuader que la production suisse est toujours respectueuse des animaux et que l’élevage intensif serait une invention émanant des organisations de défense animale. A l’instar de la campagne publicitaire de Viande Suisse «La différence est là», on nous inonde de vidéos de fermes «idéales», d’entreprises familiales, de photos d’animaux bien traités, d’images de paysans préoccupés par le bien-être de leurs bêtes… Bref, autant de beaux clichés, qui représentent seulement une partie de la production suisse, pour tenter de faire oublier certaines tristes réalités.

Selon l’Union Suisse des Paysans, l’initiative n’aurait « aucune utilité » car ce qui se fait en Suisse serait bien moins grave que ce qui est d’usage à l’étranger – une argumentation difficilement compréhensible. Ce n’est en effet pas parce que nos voisins font pire que nous pouvons être considérés comme de bons élèves, bien au contraire.

L’élevage intensif – réalité du droit suisse
N’en déplaise au «lobby carnivore», en Suisse, l’élevage intensif – en tant que système de production dans lequel les besoins fondamentaux des animaux ne sont pas respectés – est bel et bien une réalité. Et le pire, c’est que c’est légal! A ce titre, une seule exploitation peut détenir jusqu’à 300 veaux d’engraissement, 1 500 porcs, 18 000 poules pondeuses et 27 poulets d’engraissement. Comment garantir le bien–être de tous ces animaux, sur un territoire aussi restreint que celui de la Suisse? La réponse est simple: cela n’est pas possible.

En outre, les lois suisses autorisent d’entraver les vaches en stabulation, de détenir environ 10 porcs sur une surface équivalant à une place de stationnement et près de 17 poules par mètre carré. L’accès à l’extérieur n’est pas obligatoire, et certains animaux, tués très jeunes lorsque leur «rentabilité» diminue, ne voient ainsi jamais la lumière du jour. C’est le cas notamment des poussins mâles dans les exploitations de poules pondeuses qui sont systématiquement exterminés dès leur naissance.

Notons La consommation de viande en Suisse a augmenté de plus de 60 % depuis le début du 20ème siècle. En 2019, chaque suisse a consommé, en moyenne, plus de 51 kg de viande par an – Comment peut-on donc prétendre que, pour répondre à cette demande, l’on ne pratique pas l’élevage intensif?

Menaces pour la santé et pour l’environnement
L’élevage intensif est un cauchemar pour les centaines de milliers d’animaux que nous consommons chaque année. Mais il présente également de nombreuses menaces pour les êtres humains. Il implique en effet – et ce même en Suisse! – une utilisation excessive d’antibiotiques, créant des résistances aux médicaments au sein de la population. Avec tous les risques que cela implique pour notre santé… En outre, il n’est plus à démontrer qu’une consommation élevée de viande implique également des risques de maladies cardio–vasculaires, de diabète et d’obésité.

Au–delà des risques directs pour la santé humaine, les animaux de rente sont souvent les vecteurs de zoonoses
(maladies transmises par l’animal à l’homme), comme nous l’ont rappelé toutes les dernières épidémies (vache
folle, H1N1, fièvre porcine, grippe aviaire, etc.) et surtout l’actuelle pandémie de Covid-19…

Enfin, rappelons aussi que l’élevage intensif accapare les terres et est la cause principale de la déforestation mondiale, pollue nos sols et nos eaux, et contribue très largement au réchauffement climatique. Il s’agit donc d’un véritable fléau, dont nous n’avons même pas réellement besoin, puisque notre consommation de viande est excessive, ce qui fragilise notre santé.

Urgence climatique – urgence morale
Vous l’aurez compris, il y a urgence à éliminer l’élevage intensif, puisqu’il s’agit de l’un de facteurs majeurs du réchauffement climatique à l’échelle mondiale. Mais c’est également une urgence morale de l’éradiquer. Notre société évolue, nos connaissances scientifiques et nos considérations éthiques aussi. Puisque nous savons désormais que les animaux – en particulier les mammifères – souffrent, pensent, ressentent des émotions, nous n’avons plus d’excuses. Comment peut–on donc encore justifier de leur réserver de si mauvais traitements? De leur faire vivre une vie entière sans voir le soleil, sans mettre une patte dans l’herbe? Il faut aligner nos comportements à notre moralité et, une fois pour toutes, accorder aux animaux le minimum de respect qu’ils méritent – en Suisse comme ailleurs.

Méandres politiques
Dès 2019, l’initiative contre l’élevage intensif a été officiellement déposée auprès de la Chancellerie fédérale et déclarée valable. Depuis lors, le Conseil fédéral a élaboré un contre-projet direct (c’est-à-dire une autre proposition de modification de la Constitution fédérale), voulant inclure la notion de bien-être animal mais rejetant toute limitation des importations de produits issus de l’élevage intensif à l’étranger. En vain: mi-octobre, la
Commission de l’économie du Conseil national décidait de rejeter tant l’initiative que le contre-projet du Conseil fédéral, bafouant par la même occasion les préoccupations de plus de 106 000 citoyens suisses, qui avaient signé l’initiative. Le Conseil national devra voter sur la question, puis ce sera au tour du Conseil d’Etat de s’y pencher… en définitive, le peuple tranchera.

 

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