21.08.2024
Fondation Franz Weber

L’éléphante Ceyla-Himali n’avait de loin pas atteint un âge « respectable »

Le 12 août dernier, le zoo de Zurich a annoncé avoir «dû euthanasier» l’éléphante Ceyla-Himali en raison de ses nombreux problèmes de santé, dont de graves problèmes des reins, que le zoo attribue à l’âge prétendument « respectable » de l’éléphante d’Asie. Or, à 49 ans, l’éléphante n’avait pas atteint un âge avancé : selon les experts, beaucoup d’éléphants d’Asie dépassent la quarantaine, et vivent fréquemment jusqu’à 60 ou même passé 70 ans à l’état sauvage. Ce n’est qu’en raison des conditions de captivité que l’âge de 49 ans est considéré comme « vieux » par le zoo… Selon la Fondation Franz Weber (FFW), Zurich doit montrer l’exemple, en renonçant à la reproduction et, à terme, à la détention de pachydermes.

Ceyla-Himali est née en 1975 au Sri-Lanka, probablement dans un troupeau sauvage. Recueillie ensuite par un « orphelinat » pour éléphants, elle est arrivée au zoo de Zurich en 1976, à l’âge de tout juste un an. Cela faisait donc 48 ans qu’elle vivait dans les enclos du zoo, dans des conditions non naturelles, sur du béton, et qu’elle était utilisée pour la reproduction.

Le zoo de Zurich a annoncé lundi dernier avoir « dû euthanasier » l’éléphante de 49 ans avait été euthanasiée en raison de ses nombreux problèmes de santé, dont elle souffrait depuis longtemps. Dans sa communication, le zoo prétend que Ceyla-Himali aurait atteint un âge « respectable ».

D’après différentes études1, la durée de vie moyenne d’éléphants même en semi-liberté est de 43 ans, alors que celle des éléphants captifs n’est que de 19 ans – cette différence est expliquée seulement par les mauvaises conditions de détention, mais aussi par les problèmes de santé et l’obésité dont souffrent souvent les éléphants captifs, et le haut taux de mortalité des éléphanteaux en captivité. Évidemment, ces chiffres ne concernent que l’espérance de vie moyenne, et non l’âge que l’on peut considérer comme « respectable » (« stolzes Alter » dans la langue originale du communiqué) pour un éléphant : en réalité, un âge respectable se situe entre 60 et 70 ans pour un éléphant d’Asie – une éléphante de 49 ans serait, dans la jungle du Sri-Lanka, dans la force de l’âge. D’ailleurs, les éléphantes sauvages peuvent donner naissance, en liberté, jusqu’à 60 ans environ.

Tomas Sciolla, expert de la FFW en conservation de biodiversité et en transformation de zoos, estime que « les implications éthiques d’une telle disparité dans l’espérance de vie sont profondes. Il est moralement injustifiable de soumettre des êtres sensibles à des conditions qui réduisent si radicalement leur espérance de vie naturelle ». Il ajoute encore qu’il est « particulièrement déprimant, dans le cas de l’éléphante de Zurich, que son âge de 49 ans puisse être considéré comme « respectable » par le zoo, alors qu’à l’état sauvage les éléphants d’Asie peuvent même atteindre 80 ans ! ».

Pour le Dr. Keith Lindsay, biologiste expert en éléphants régulièrement consulté par la FFW et qui a rédigé un rapport sur la situation des éléphants dans les zoos suisses en juillet 2023, les problèmes de santé, et la mort de Ceyla-Himali, sont indubitablement dus aux conditions de captivité. « La mort récente et prématurée de Ceyla-Himali au zoo de Zurich est sans aucun doute entièrement imputable aux conditions inadéquates de sa captivité. Le manque d’espace pour se déplacer et se nourrir librement d’une gamme variée d’espèces et de parties de plantes entraîne inévitablement des carences alimentaires, des déséquilibres gastro-intestinaux et d’autres problèmes au niveau des organes internes. En outre, l’absence totale de possibilités de prise de décision et de défis cognitifs dans la recherche de nourriture et l’utilisation de l’espace engendre l’ennui et la léthargie, remplaçant la volonté de vivre par l’ennui. Ces dommages physiologiques et psychologiques, associés au manque d’exercice et au déclin du tonus musculaire et de la fonction cardiovasculaire qui en découle, aboutissent à un éléphant en très mauvaise santé, à l’opposé de son homologue sauvage ».

Vera Weber, présidente de la FFW, constate une fois de plus à quel point les éléphants n’ont rien à faire en captivité, et en particulier dans des zoos suisses. « Aucun des zoos suisses ne fournit aux éléphants des conditions adéquates pour satisfaire leurs besoins biologiques, psychiques et sociaux », explique-t-elle. « Il faut que les zoos mettent urgemment un terme à leurs programmes de reproduction des éléphants, et renoncent à terme à détenir des pachydermes – et le zoo de Zurich pourrait montrer l’exemple et devenir un pionnier à cet égard ».

 


1Voir notamment : Sukumar R, Krishnamurthy V, Wemmer C & Rodden M (1997) Demography of captive Asian elephants (Elephas maximus) in southern India. Zoo Biology 16: 263–272 ; Mumby HS, Courtiol A, Mar KU & Lummaa V. (2013) Birth seasonality and calf mortality in a large population of Asian elephants. Ecology and Evolution, 3(11):3794-3803. doi:10.1002/ece3.746 ; de Silva S, Webber CE, Weerathunga US, Pushpakumara TV, Weerakoon DK, Wittemyer G. Demographic variables for wild Asian elephants using longitudinal observations. PLoS One. 2013 Dec 20;8(12):e82788. doi: 10.1371/journal.pone.0082788. PMID: 24376581; PMCID: PMC3869725.

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