29.11.2023
Patrick Schmed

Zurich mise sur la distance en matière d’énergie éolienne

Les projets de production d’énergie éolienne sont évalués différemment selon les régions et les cantons – et c’est dans le canton de Zurich qu’ils ont le plus de vent contraire. Deux représentants de l’organisation«Freie Landschaft Zürich» exposent leur démarche et expliquent comment les communes peuvent se donner de l’air en fixant des distances minimales.

Interview de Pierre-Yves Martin, de l’association«Freie Landschaft Zürich».

Wildberg est l’une des premières communes à avoir adopté une «initiative sur la distance minimale». De quoi s’agit-il?

Pour les éoliennes de plus de 30 mètres de hauteur, l’initiative prévoit l’obligation de prévoir, dans le règlement d’aménagement du territoire, que les éoliennes de plus de 30 mètres de haut ne peuvent pas être construite à une certaine distance minimale des zones habitées. Dans le projet de Plan directeur du canton de Zurich, cette distance est de 300 mètres. Or, les éoliennes sont aujourd’hui deux fois plus hautes qu’il y a quelques années! Elles font désormais parfois 200 mètres et plus, la plus haute éolienne du monde atteint déjà 280 mètres de hauteur en Chine. Avec de telles dimensions, une distance de 300 mètres est bien trop faible.

L’assemblée communale de Wildberg a accepté cette distance minimale par 100 voix pour, et une seule voix contre…

Exactement, l’assemblée communale a adopté une distance minimale de«- cinq fois la hauteur de l’éolienne». Avec les éoliennes industrielles actuelles, on atteint ainsi rapidement des distances d’environ 1000 mètres. Cette valeur est considérée comme la norme dans de nombreux pays européens.

Ce résultat clair en a surpris plus d’un. Vous aussi?

Pour moi, c’est avant tout la légitimation démocratique de nos revendications. Le conseiller d’Etat Neukom et la direction des travaux publics zurichoise ont été surpris. Selon leurs propres déclarations, ils partaient du principe que la population approuverait majoritairement l’énergie éolienne et qu’il n’y aurait aucune résistance.

A Wildberg, la résistance est au contraire bien organisée. Pourquoi cela?

Ceux qui habitent ici recherchent la proximité de la nature et le caractère villageois. Wildberg est situé sur les hauteurs, au milieu de collines en grande partie non construites. Il est compréhensible que la population s’oppose à ce que ce cadre idyllique soit détruit par des mâts géants aux rotors sifflants.

Certaines communes ne se rendent compte des dégâts qu’une fois qu’ils ont été causés…

Avant, je vivais en colocation avec un cousin qui participe à la construction d’éoliennes. Je savais donc qu’il ne s’agissait pas de petites éoliennes comme on en voit par exemple à côté de certaines fermes. Un coup d’œil sur les plans du canton a confirmé cette impression et m’a montré qu’il fallait agir rapidement.

Un moyen important dans la résistance est l’information, à commencer par les visualisations.

De telles mesures coûtent de l’argent, mais elles montrent clairement aux autorités et à la population ce qui les at- tend. Il ne faut donc en aucun cas éco- nomiser sur ce point. En outre, il est possible de réaliser soi-même des visualisations réalistes à un coût raisonnable. Les personnes intéressées sont invitées d’ailleurs à me contacter.

Même en fixant des distances minimales, cela ne signifie pas que l’on puisse empêcher les projets de se réaliser, n’est-ce pas?

A Zurich, le Grand Conseil se prononce- ra probablement en 2025 sur les modifications du Plan directeur. Si celui-ci est adopté, la construction de parcs éoliens sera probablement inévitable. Toutefois, avec nos initiatives, les distances minimales définies devraient être respectées lors de la construction. Les zones potentielles seraient ainsi plus petites et nous pourrions préserver une grande partie de nos paysages non bâtis.

Et c’est pourquoi vous conseillez aux autres communes de lancer des initiatives similaires rapidement?

Oui, absolument. Le canton va certes es- sayer de supprimer ces règles de distance dans les différents règlements d’urbanisme. Mais il sera possible de s’y opposer en Justice – et même si finalement les règlements communaux devaient être supprimés. Les décisions populaires sur les distances minimales constitueront, pour les 180 représentants des cantons et pour les investisseurs potentiels, un signe clair que les populations locales ne veulent pas de telles éoliennes à proximité de chez elles et qu’elles préfèrent d’autres formes de production d’énergie. En Suisse, même dans le scénario le plus favorable, on se rend compte que le rapport coûts/bénéfices de cette technologie est très mauvais – nous espérons donc que certains projets éoliens seront finalement abandonnés.

Si cela se produit, nous devrons renoncer à une partie de la production d’électricité dont nous avons besoin, n’est-ce pas?

Il est vrai que l’on ne peut pas dire «non» à tout et consommer toujours plus d’électricité. Dans ce contexte, nous sommes tous d’accord pour dire que l’«énergie verte»doit être privilégiée dans la mesure du possible. Mais la question est de savoir si l’on peut qualifier de«verte»une forme d’énergie qui détruit des valeurs paysagères à grande échelle et qui, en même temps, ne peut couvrir que très peu de nos besoins en électricité.

Existe-t-il des alternatives?

Oui: les installations solaires sur les toits des bâtiments industriels et des immeubles d’habitation. L’énergie solaire privée est toutefois beaucoup moins subventionnée que les grands projets d’énergie éolienne. Le régime de subventions actuel crée malheureusement beaucoup de mauvaises incitations. En principe, je suis favorable à ce que l’on réévalue toutes les formes d’énergie de manière globale, en pensant également au stockage et au réseau électrique. Ce n’est qu’ainsi que nous assurerons un tournant énergétique socialement et écologiquement acceptable, qui fonctionne et qui est soutenu par la population. Favoriser unilatéralement l’énergie éolienne ne fait aucun sens.

Les politiques semblent voir les choses différemment.

Pour beaucoup, les éoliennes sont le symbole – malheureusement trop visible – de «l’énergie verte». Dans les faits, l’énergie éolienne est pourtant bien moins verte et bien plus envahissante que d’autres formes d’énergie alternatives comme les installations solaires. Le fait que ces dernières soient désormais si discrètes est toutefois un inconvénient en termes d’impact symbolique…

 

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