Pour notre plus grande frustration, le transfert de nos protégés d’Equidad vers le nouveau domaine est retardé: si nos premiers chevaux savourent déjà la bonne herbe des montagnes de Cordoba en Argentine, leurs compagnons devront être patients. Car entre les intempéries et les autorités sanitaires, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines.
Après des mois à travailler d’arrache-pied pour quitter au plus vite l’actuel sanctuaire où, en plus de manquer de place nos équipes et nos protégés sont confrontés à une violence quotidienne, nous voilà de nouveau contraints de ronger notre frein. En effet, si nous commencions à voir le bout du tunnel avec les travaux et la logistique, nous voilà confrontés à de nouvelles difficultés. Entre le covid-19, qui n’a épargné ni notre personnel ni nos vétérinaires, les pannes des véhicules, les pluies torrentielles qui condamnent nos équipes sur place à l’isolement face à la montée des eaux et les autorités sanitaires qui émettent de nouvelles exigences, heureusement que nous savons prendre notre mal en patience!
Insécurité
Nous ne nous impatientons pas par caprice: chaque jour, la situation s’aggrave à Equidad et nous redoutons un drame. Ces dernières semaines, plusieurs de nos animaux ont été volés par des personnes armées. Si nos relations privilégiées avec la police locale nous a permis de retrouver une partie de nos protégés, nous sommes toujours désespérément à la recherche de trois chevaux et nous tremblons pour les autres et pour nous -mêmes: chaque jour, les clôtures au fond de la cour dont les fils ont été coupés nous rappellent que nous sommes à la merci de malveillance et de nouvelles attaques. Heureusement, nos bonnes relations avec le voisinage nous permettent de déjouer les embûches, mais pour combien de temps?
En Argentine, pays où une grande partie de la population vit sous le seuil de pauvreté, le rapport aux animaux, et la moralité en général, n’ont pas la même valeur: ici, les gens pensent avant tout à survivre, et ils sont prêts à tout pour cela. Nous ne cherchons pas d’excuses aux malfaiteurs qui menacent notre sanctuaire, mais il est évident que le Covid-19 a encore aggravé la précarité des gens dans ce pays où plus de 40 % des familles peinent à se nourrir.
Complications bureaucratiques
Face à ces menaces, il apparait plus que jamais urgent de déplacer notre tribu et nous mettons les bouchées doubles pour cela. Mais c’était sans compter le zèle des autorités: comme si les difficultés actuelles ne suffisaient pas, voilà qu’elles exigent désormais des tests sanguins et des vaccinations pour tous les chevaux avant qu’ils puissent être déplacés vers le nouveau refuge, alors qu’il n’est qu’à 60 kilomètres de l’actuel! Bon gré, mal gré, nous n’avons pas le choix: alors que nous écrivons ces lignes, la vaccination à la chaine de tous nos animaux a commencé. Nous espérons qu’en nous pliant de la sorte à leurs exigences, elles nous permettront enfin de partir d’ici au plus tard dans quelques semaines…
De fait, en attendant leur feu vert, deux agents de sécurité ont rejoint nos équipes pour protéger la «famille Equidad » à deux et quatre pattes. Nous croisons les doigts pour qu’aucun drame ne survienne d’ici le déménagement et nous attendons avec impatience de rejoindre notre nouveau havre de sérénité, loin des villes et de l’insécurité, où nous pourrons enfin tous vivre en paix…
Leitmotiv
Mais notre optimisme ne faiblit pas. Et puis la joie de savoir que les chevaux que nous avons déjà pu transférer dans le nouveau sanctuaire sont ivres de bonheur et de liberté nous motive!
Ce sont Ada, High et Shana, sa fille, qui les premières ont eu le privilège de fouler notre nouveau terrain. Nous sommes d’autant plus émus de les voir si épanouies, car nous savons ce qu’elles ont enduré dans le passé…
La triste histoire de High (et son heureux dénouement)
High est une jument pur-sang arabe. Elle appartenait à un célèbre éleveur pour qui les chevaux ne sont rien d’autre que des marchandises. High était l’une de ses «poules aux oeufs d’or»: en tant que poulinière, elle était condamnée à faire des petits qui étaient vendus les uns après les autres… Une sévère infection des pieds allait sceller son sort car High, étant donné son âge avancé, n’était a priori plus en mesure de procréer. Pour son propriétaire, elle devenait dès lors un fardeau, puisque les frais vétérinaires nécessaires pour la soigner allaient dépasser les revenus qu’il pouvait espérer en tirer. De fait, il la laissa croupir au fond d’un boxe sans eau ni nourriture en attendant que la mort l’emporte. Alertés par un vétérinaire, nous avons pu l’acquérir à ses propriétaires, qui nous l’ont volontiers cédée.
Un an plus tard, une merveilleuse surprise nous attendait: High a donné naissance à une belle pouliche, baptisée Shana. Mère et fille vivent désormais heureuses, sans risque d’être séparées, et pour nous, c’est la meilleure des récompenses!
Ada, notre reine des montagnes, ou quand le caractère rencontre la beauté…
Cette jument blanche aux crins noirs fait partie des rescapés que nous avonssauvé de l’enfer lors du sauvetage massif que nous avons effectué à Salta, au nord de l’Argentine. Elle est arrivée dans un état effroyable et suite à une blessure qui la faisait profondément souffrir, elle posait difficilement le pied par terre. Extrêmement amaigrie, son poil terne présentait des marques de coups de sabot et de morsures infligés par d’autres chevaux. Sans doute est-ce pour cela que malgré l’amélioration de son état de santé, elle demeurait peu docile, tant avec les autres chevaux qu’avec les humains. Ada est un esprit libre qui aime la nature et qui peut désormais s’épanouir et galoper crinière au vent dans son nouveau domaine!
Aussitôt arrivée, elle a exploré les moindres recoins des 312 hectares du domaine, et a goûté aux différents pâturages avec sa jolie bouche de velours. Une vraie reine des montagnes! Quel bonheur pour nous de la voir ainsi, à l’abri du monde qui lui a fait tant de mal par le passé…
…en attendant les reiste du troupeau!
Nous n’avons pas choisi ces trois juments au hasard pour inaugurer le sanctuaire: High avait besoin d’une attention toute particulière, et Ada avait, semble-t-il, été repérée par des voleurs de chevaux à l’ancien sanctuaire. Nous devions donc les transférer en priorité, tout en poursuivant notre travail d’aménagement du nouveau domaine afin que tous les autres animaux puissent rapidement les rejoindre.
Grâce à notre nouvelle remorque, nous pourrons transférer les animaux nous-mêmes, à notre rythme et en respectant le leur. Ainsi, nous serons certains que leur voyage se passera bien – leur bien-être est et restera toujours notre priorité. Et entre-temps, nous peaufinons leur futur paradis.
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