«Fermez enfin les marchés d’ivoire!» – tel est l’appel des principales ONGs actives dans le domaine de la protection des animaux, dont fait partie la Fondation Franz Weber. Participant en tant qu’observatrice à la réunion actuelle de la Convention sur le commerce des espèces menacées, à Genève, la FFW demande une interdiction du commerce de l’ivoire comme mesure de protection des éléphants d’Afrique.
Le commerce de l’ivoire est un des principaux sujets de discussion à la 69e réunion du Comité permanent (SC69) de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) à Genève, où plus de 600 délégués et observateurs sont réunis cette semaine.
Certains pays, notamment la Chine, la France et les Etats-Unis ont fermé ou se sont engagé à fermer leurs marchés intérieurs d’ivoire. Toutefois, le Japon demeure une exception notable. Ce pays, qui a importé les plus grandes quantités d’ivoire durant les années 1980s, alors même que les éléphants faisaient alors face à la plus grave crise du braconnage de tous les temps, continue sans vergogne à permettre, et même à promouvoir, son marché interne d’ivoire.
L’année passée, à Johannesburg, les 183 Parties à la CITES ont adopté une résolution par laquelle elles se sont engagées à fermer tous les marchés intérieurs de l’ivoire « contribuant au braconnage ou au commerce illégal », et ce « de toute urgence ».
Le Japon prétend que son marché intérieur n’est pas concerné par l’ivoire illégal et que la recommandation de la CITES de fermer les marchés intérieurs ne s’applique donc pas à lui. Cependant, les enquêtes menées ont clairement révélé le laxisme du système japonais de surveillance des entreprises actives dans le secteur de l’ivoire, et le manque de réglementation concernant les produits autres que les défenses entières.
Plus de 20’000 éléphants sont massacrés chaque année en Afrique pour leur ivoire.
Masayuki Sakamoto, Directeur exécutif du Fonds japonais pour le tigre et l’éléphant, une organisation qui promeut la protection de ces animaux, a expliqué durant la conférence que « d’après l’argumentation du Japon, qui sert ses propres intérêts, son marché national ne serait pas soumis à la recommandation de fermeture contenue dans la Résolution. Ce pays fait totalement fi la nouvelle formulation de cette Résolution ».
Ces dernières années, l’UE s’est avérée être le principal exportateur d’ivoire légal à destination des marchés internationaux, connaissant une hausse importante des réexportations d’ivoire brut et travaillé en 2014 et 2015. Les États-membres de l’UE ont déclaré l’exportation de 1 258 défenses et de plus de 20 000 autres articles en ivoire, rien qu’au cours de ces deux dernières années.
Le plus grand acheteur d’ivoire européen était auparavant la Chine qui, aux côtés d’autres pays asiatiques, a été le moteur du braconnage dont sont victimes les éléphants. L’Union européenne est également de plus en plus utilisée pour faire transiter l’ivoire illégal, comme l’indiquent les saisies-record réalisées en 2016, preuve de l’existence d’un crime organisé.
« Les marchés légaux de l’ivoire asiatiques et européens entretiennent la demande et offrent de multiples occasions de blanchir l’ivoire braconné. On a la preuve de l’existence d’un trafic d’ivoire sur ces marchés, qui contribue fatalement au commerce illégal et au braconnage ; ils doivent donc être fermés », indique Daniela Freyer de Pro Wildlife.
Face à ces préoccupations, le Burkina Faso, le Congo, le Kenya et le Niger, agissant au nom de la Coalition pour l’éléphant d’Afrique (CEA), qui regroupe 29 pays africains, ont recommandé que des mesures soient prises à l’encontre du japon pour violation de la CITES, et qu’une pression soit exercée sur l’UE pour qu’elle ferme ses marchés internes.
« Il est déconcertant que les autorités japonaises continuent de croire que leurs marchés intérieurs de l’ivoire ne sont pas liés au commerce illégal, alors que tout porte à penser le contraire. La fermeture du marché intérieur japonais de l’ivoire est essentielle pour empêcher que l’ivoire ne soit écoulé vers son voisin chinois, sapant ainsi les efforts déployés par la Chine pour faire appliquer l’interdiction de l’ivoire sur son marché intérieur. La CITES doit tout faire pour empêcher que cela se poursuivre », déclare Iris Ho de Humane Society International.
Les Plans d’action nationaux pour l’ivoire (PANI)
Des Plans d’action nationaux pour l’ivoire (PANI) ont été développés, conformément aux recommandations de la CITES, par certains pays qui sont impliqués dans le commerce illégal d’ivoire. Ces Etats sont classifiés en trois catégories : « pays de préoccupation principale » (la Chine, le Kenya, le Malawi, la Malaisie, le Singapour, la Tanzanie, le Togo, l’Ouganda, le Vietnam), les Etats de « préoccupation secondaire » (le Cambodge, le Cameroun, le Congo, l’Ethiopie, le Gabon, le Niger, l’Afrique du Sud, le Sri Lanka et la Thaïlande), et les pays « méritant d’être suivis » (l’Angola, la République démocratique du Congo, l’Egypte, le Japon, le Laos, le Mozambique, les Philippines, le Qatar et les Emirats Arabes Unis).
Un rapport produit par le Secrétariat de la CITES sur les progrès réalisés par ces pays dans leur application des PANI a soulevé d’importantes préoccupations, car, bien qu’il y ait eu un certain progrès, les actions entreprises par les pays concernés n’ont pas été à la mesure des niveaux de braconnage, du commerce illégal et de la corruption en cause.
L’Afrique du Sud est identifiée comme étant un pays « de préoccupation secondaire ». Cela étant, cette Partie n’a pas dû fournir un PANI, pour une raison inexpliquée et malgré le fait que cet Etat soit lourdement impliqué dans les exportations d’ivoire travaillé vers l’Asie. Une demande d’inclure l’Afrique du Sud dans le processus des PANI est attendue.
Le Japon, quant à lui, est un pays « méritant d’être suivi », qui n’a pas non plus été inclus dans le processus des PANI, malgré la demande de la CEA en ce sens.
Le Secrétariat a publié un rapport exprimant des préoccupations quant au commerce d’ivoire considérable que connaissent la République démocratique populaire du Laos et la RDC. Ces deux pays sont accusés de graves violations des règles de la CITES. Toutefois, la CITES s’est montrée, par le passé, indulgente envers ces deux Etats. L’on s’attend dès lors à des appels provenant d’autres Etats pour que des mesures plus strictes soient prises, notamment des suspensions de commerce, afin que le Laos et la RDC s’alignent avec la réglementation CITES.
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