Il est prévu qu’un nouveau bassin portuaire et un immense terminal à conteneurs soient construits dans la réserve naturelle la plus précieuse de la région de Bâle, qui est également l’un des principaux milieux xériques (secs) de Suisse. Selon les initiateurs, l’enjeu est de favoriser le chargement de marchandises sur le rail. Cet argument vise à conférer au projet une «touche verte». Cependant, les projections et les promesses faites par les partisans du projet sont fortement mises en doute par des experts indépendants. Grâce au référendum lancé au printemps 2020 par la Fondation Franz Weber (FFW) et d’autres organisations de protection de l’environnement, les électeurs bâlois pourront, le 29 novembre 2020, avoir le dernier mot sur cette scandaleuse destruction d’une nature protégée.
À un kilomètre du Rhin, à Bâle, l’argent des contribuables est censé servir à créer un tout nouveau bassin portuaire et une immense plateforme de transbordement de marchandises, appelée «Gateway Basel Nord» et destinée à accueillir la majeure partie des importations et exportations de conteneurs suisses. Là où le bât blesse: CFF Cargo et l’Office fédéral des transports avaient initialement planifié d’installer ce méga terminal à conteneurs, du fait de l’emplacement central, sur le Plateau suisse – mais la résistance de la population et des autorités locales contre une augmentation du trafic et le transport de marchandises dangereuses a fait échouer le projet. Maintenant, il est question de construire le terminal à Bâle et de le relier à un nouveau bassin portuaire, inutile, et surtout, selon les experts de la navigation, mal conçu, afin de donner l’impression que le terminal ne pourrait être situé qu’à Bâle en raison du raccordement au Rhin. Et ce n’est pas tout.
Une réserve naturelle d’envergure nationale doit céder la place
Le terrain sur lequel le méga terminal doit à l’avenir permettre le transbordement de 260 000 conteneurs est une réserve naturelle d’importance nationale dans l’inventaire fédéral des prairies et pâturages secs. C’est l’une des dernières de ce type, car 95 % de l’ensemble des milieux xériques (secs) de Suisse ont disparu depuis 1900. Depuis son utilisation comme gare de triage badoise au début du XXe siècle, le terrain n’avait plus servi depuis la fin des années 1980. À la demande du canton de Bâle-Ville, il a néanmoins été entretenu et maintenu ouvert, de sorte que les prairies sèches et les surfaces rudérales sont devenues au fil du temps un refuge unique pour les animaux et les plantes ainsi que la partie centrale du corridor migratoire qui offre à ces espèces la possibilité de se déplacer sur l’axe nord-sud sous l’effet du changement climatique. Des espèces animales menacées telles que l’azuré du mélilot bleu céleste, la coronelle lisse et le lièvre brun ont élu domicile sur cette surface de 20 hectares, de même que plus de 400 espèces végétales – dont un grand nombre sont en voie de disparition. Mais la plupart des politiciens en exercice ne s’en préoccupent pas. L’argument? «La protection du climat».
La «touche verte»: une nouvelle ruse pour faire passer des projets d’infrastructure
Sous couvert d’arguments écologiques, les initiateurs du projet du «Gateway Basel Nord» promettent «une coexistence de la nature et de la logistique». Si le transfert des marchandises de la route au rail prôné par les partisans de cette entreprise semble de prime abord être une bonne idée, il est toutefois totalement irréaliste: actuellement, seuls 8% des conteneurs arrivant à Bâle par bateau sont effectivement transbordés sur le rail. Ce faible nombre s’explique par le fait que très peu de clients finaux disposent en Suisse d’une liaison ferroviaire directe. Le transbordement effectué à deux reprises – à Bâle du bateau au rail puis quelque part en Suisse au camion – génère des coûts et une perte de temps qui ôtent toute rentabilité au chargement intermédiaire sur le rail. La construction du «Gateway Basel Nord» et du bassin portuaire 3 ne permettrait donc pas d’économiser des trajets en camion et aurait pour conséquence une augmentation massive du nombre de conteneurs transbordés. La centralisation du trafic de conteneurs visée entraînerait de nouveaux trajets en camion et transports de marchandises dangereuses via Bâle. Le résultat ne serait pas la protection du climat, mais une pollution supplémentaire massive – et la destruction d’un refuge naturel pour les espèces menacées. La fin justifie les moyens.
Des surfaces de compensation pour un écosystème unique: une pure utopie
À cet égard, les partisans de ce vaste projet prétendent assurer une «compensation adéquate» des réserves naturelles qui seraient détruites. Il s’agit d’une exigence de la Confédération pour la mise en oeuvre du projet. Ce n’est qu’à cette condition que le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) pourra approuver «l’ajustement mobilité» du plan directeur de Bâle, nécessaire à la construction du terminal à conteneurs. Mais la recherche des prétendues «surfaces de compensation» adéquates se révèle difficile… car un site qui est particulièrement précieux en raison de sa faune et de sa flore – et qui s’est développé au fil des ans pour devenir ce qu’il est aujourd’hui – ne peut pas aussi aisément être transféré à un autre endroit. L’annonce par les CFF de l’éventualité de trouver et de créer des surfaces de compensation morcelées le long des voies ferrées existantes semble presque grotesque si l’on considère ce qui est en jeu: si ce projet se concrétise, les animaux et les plantes qui vivent dans l’actuelle réserve naturelle perdront irrévocablement leur maison et le paieront de leur vie.
Malgré le condinement dû à l’épidémie de coronavirus: 4281 signatures pour le référendum
Néanmoins, le Grand Conseil du canton de Bâle–Ville a décidé le 12 février 2020 d’approuver le projet de 150 millions d’euros pour la construction du nouveau bassin portuaire 3, condamnant ainsi l’exceptionnelle réserve naturelle – ce que la Fondation Franz Weber ne put et ne voulut pas tolérer. Conjointement avec un grand nombre d’organisations de protection de la nature, des habitants du quartier, des capitaines de navires et des amoureux des animaux, le référendum fut donc lancé. Et bien que la collecte des signatures ait constitué un défi majeur du fait du confinement et de la suspension des délais connexe, 4281 signatures contre le bassin portuaire 3 ont pu être remises à la chancellerie d’État de Bâle-Ville durant la période de collecte – soit plus du double que le nombre requis! Grâce à cette intervention du comité référendaire et au soutien de nos supporters de la région bâloise, les votants du canton de Bâle-Ville pourront, le 29 novembre 2020, se prononcer sur le grand projet. Le conseil de vote est clair: «Non au bassin portuaire 3!»