Durant la période estivale, la réserve forestière de Giessbach est plus fréquentée que jamais. Ce qui ne va pas sans inconvénients: plus les visiteurs s’y pressent, plus elle réclame de soins et d’entretien, pour que le domaine reste naturel et attrayant.
40 ans se sont écoulés depuis que Franz Weber, par une action exceptionnelle, a sauvé le Giessbach de la destruction. Son idée d’«offrir» le domaine au peuple suisse pour le préserver a suscité l’enthousiasme de la population. Des dizaines de milliers de personnes ont soutenu financièrement la fondation «Giessbach au peuple suisse», créée en 1983. Avec son épouse Judith, Franz Weber s’est battu pendant des années pour que la nature puisse se montrer sous ses traits les plus généreux dans ce parc de 22 hectares. Le torrent gronde vers le lac de Brienz, des arbres séculaires bordent les sentiers, l’air invite à respirer à pleins poumons et à se ressourcer. La sylvothérapie, une vogue née au Japon, est pratiquée ici depuis 148 ans sans paraître à la mode, entre autres sur les sentiers de randonnée créés par le paysagiste Eduard Schmidlin, le premier gérant du domaine. Rien d’étonnant à ce que ce paysage naturel attire les foules durant l’été. Une évolution qui a aussi ses inconvénient.
Le parc demande beaucoup de travail
Les dépenses requises par l’entretien du parc, des jardins, du funiculaire et des embarcadères ne peuvent pas être pleinement couvertes par les recettes de l’activité hôtelière. L’ouverture du parc au public exige chaque année énormément de travail, qui doit être supporté sans aide de l’État. La fondation dépend donc des cotisations des bienfaiteurs et des dons réguliers.
L’argent reste au Giessbach
«Tous les bénéfices, déduction faite des salaires et autres dépenses de l’hôtel, sont réinvestis au Giessbach», précise Vera Weber. Par exemple, les frais de fonctionnement du funiculaire sont très élevés. L’entretien, les réparations et les révisions, petites et grandes, pèsent dans le budget annuel et peuvent même atteindre, certaines années, un million de francs suisses. À l’heure actuelle, il faut rénover les roues en fonte du funiculaire, abîmées par le temps, car les trajets supplémentaires sollicitent davantage les pièces de construction et les travaux requis pour garantir la sécurité des usagers sont de plus en plus coûteux.
Un monde en soi
Le funiculaire qui relie l’embarcadère à l’hôtel est le plus vieux du monde en son genre et un prodige de l’histoire ferroviaire suisse. Mais les mesures de sécurité croissantes qui lui sont imposées par les autorités demandent des ressources toujours plus grandes. Après la rénovation totale et coûteuse des cabines, c’est maintenant le matériel roulant qui doit être entièrement changé. L’importance des frais annuels est surtout due au fait que le parc est librement accessible aux visiteurs», résume Thomas Fressen. Le funiculaire, les parkings, les sentiers, les panneaux indicateurs, la sécurité, la propreté et bien d’autres choses sont indispensables pour que les hommes puissent profiter pleinement de la nature sauvage. Des arbres monumentaux, des cimes aussi imposantes que le dôme d’une cathédrale, des souches en décomposition – au Giessbach, la forêt est si ancienne qu’on se sent réellement porté dans le temps. Thomas Herren sait que ce n’est pas un hasard. «En 1950, le canton de Berne a protégé la forêt de Giessbach en la déclarant monument naturel», explique le garde forestier. Cela signifie qu’aucun arbre ne peut être abattu et que toute construction est interdite dans le bois, qui peut se développer librement. «C’est la même condition qui s’applique aux réserves forestières», dit Herren, qui trouve ainsi tout naturel de qualifier Giessbach de réserve forestière.
Beaucoup d’entretien et de soins
Si sauvage que soit la nature dans ce parc de 22 hectares, elle réclame beaucoup de soins. «Nous veillons à ce que les chemins soient parfaitement entretenus, propres et sûrs», dit Thomas Herren. Pour cela, les arbres sont soignés et, au besoin, des branches coupées. Les rochers sont sécurisés, les chemins, les places et les escaliers rénovés, les murs en pierre sèche restaurés et les cabanes réparées. Les employés du Giessbach veillent à ce que les clients soient informés et sensibilisés à la nature et à la culture. Les excursions et les visites guidées permettent aux personnes intéressées de découvrir de nouveaux aspects de l’univers du Giessbach.
Il y a urgence
«Les hommes ont besoin de lieux énergétiques comme le Giessbach – aujourd’hui plus que jamais», estime Vera Weber. Grâce à la fondation créée par ses parents il y a tout juste 40 ans, l’immersion dans ce lieu idyllique naturel peut rester possible. Mais les gens doivent comprendre que ça ne va pas de soi. «Nous sommes à un tournant», explique-t-elle sans ambages. L’écart entre les recettes et les frais ne cesse de se creuser. «Pour que le Giessbach puisse perdurer sous cette forme, il ne suffit pas de consommer un café à la terrasse de l’hôtel ou d’y passer la nuit», souligne Vera Weber. Aussi la création d’un droit d’entrée au titre d’une taxe écologique est-elle envisagée. «Pour que le Giessbach ait un avenir, il faut continuer d’envoyer des signes forts. Ce n’est qu’avec des dons généreux qu’il pourra survivre.»