En 2010, la Catalogne s’est faite connaître dans le monde entier pour avoir interdit les spectacles taurins avec mise à mort des taureaux, les cruelles «corridas». Le 25 octobre 2023, grâce à l’action d’une alliance d’organisations antitaurines dont la FFW fait partie, le parlement catalan a fait un nouveau grand pas en approuvant une première motion visant, à terme, à interdire également les spectacles tauromachiques sans mise à mort: les «correbous».
Ce premier vote marque le début d’une campagne qui nous occupera en Espagne ces 12 à 18 prochains mois, opposant deux camps très polarisés (les anticorrida et les «aficionados»). Si le premier vote a permis d’ouvrir le débat au sein du Parlement sur le maintien, ou non, des «correbous» (29 votes en faveur, 19 contre et 83 abstentions), le second portera sur l’interdiction à proprement parler – et sera donc plus difficile à gagner. Nous nous préparons à une campagne compliquée, mais dont l’objectif final en vaut largement la peine.
Les«correbous»catalans
Il existe, en Catalogne, quatre différents types de«correbous» – des évènements tauromachiques qui n’impliquent pas, du moins pas directement, la mise à mort du taureau. L’objectif du processus parlementaire qui vient de débuter en Catalogne est l’adoption d’une loi qui interdirait trois de ces«traditions»(toutes sauf celle qui suscite le moins de critiques).
«Toro embolado»:la version la plus polémique
Ce type de «correbou» est celui qui sus- cite le plus d’indignation au sein de la population. L’idée générale est de mettre le feu aux cornes des taureaux, puis de les relâcher, totalement pani- qués, au milieu de foules humaines. Le principe de base est donc, déjà, hautement problématique. Mais la cruauté commence bien avant d’incendier les cornes des taureaux – au stade de la pré- paration. Il est alors très fréquent que le taureau tombe, se blesse la tête, s’entortille dans la corde, ou soit mal position- né au pilori. Une fois immobilisé, des ferrures sont fixées aux cornes, à l’extrémité desquelles sont placées des boules imprégnées d’une substance inflammable permettant au feu de brûler très longtemps. Ces boules sont ensuite enflammées, et la corde qui les retient est coupée, poussant le taureau à s’échapper en courant, et à charger les spectateurs, dans des arènes provisoires ou dans les rues du village, délimitées par des barrières. Le tout peut durer entre 20 et 30 minutes, et plusieurs taureaux sont ainsi préparés et relâchés.
Si le but final de ce «correbou» n’est pas la mise à mort du taureau, les blessures et le traumatisme qu’il engendre peuvent mettre sa vie en danger. Une partie des animaux est donc directement envoyée à l’abattoir après la «fête»
«Toros ensogados»: moins visuels, mais tout aussi cruels
Un autre style de «correbou», peut-être moins«tape-à-l’œil», mais tout aus- si vicieux, est le«toro ensogado». Une longue corde est attachée aux cornes du taureau pour pouvoir contrôler sa direction et ses mouvements. Il est en- suite lâché dans les rues. La souffrance est accentuée par l’épuisement des taureaux qui sont poussés à la limite de leur capacité aérobique pendant 30 à 50 minutes. Dans toutes ces «fêtes», on constate que, peu après le départ, les animaux ont recours à la respiration abdominale – bouche ouverte, langue pendante et salivation abondante. Il arrive souvent que les animaux ne puissent pas terminer la course, épuisés, et que le camion doive aller les chercher. La chaleur des mois d’été – pendant lesquels ces pratiques ont lieu –, la faim et la soif aggravent le problème à tel point que, bien souvent, les taureaux meurent en pleine rue, ou à l’intérieur des camions qui de transport
Taureau à la mer: la bataille tronquée
Cela fait de nombreuses années que les évènements taurins sur la plage ont été interdits en raison de problèmes d’hygiène, et les «correbous» dans la mer ont finalement aussi été stoppés par ordre d’un tribunal en 2013. L’idée était de jeter les taureaux à la mer, puis de les«sauver»au moyen d’un bateau et d’une corde passée autour de leur cou ou de leurs cornes, pour finalement les ramener sur le rivage et poursuivre le spectacle sur la plage. Beaucoup de taureaux sont ainsi morts noyés. Bien que ces spectacles ne soient plus organisés dans les faits, il est important que la nouvelle loi confirme l’interdiction définitive de cette pratique.
Taureaux dans la rue: épargnés par la nouvelle loi
Le«taureau dans la rue»,«bou al car- rer»en catalan, fait l’objet de moins de critiques au sein de la population. Bien sûr, les vétérinaires et les organisations de protection des animaux estiment qu’il s’agit également d’une pratique cruelle, mais certains journalistes et politiciens continuent à soutenir le contraire. Ce «correbou» se déroule comme suit: le taureau est lâché dans les rues d’une ville, délimitées par des barrières, ou à l’intérieur de petites arènes temporaires. L’animal est lâché et de nombreuses personnes se risquent à courir près de lui, ce qui génère de la peur, du stress et parfois des accidents mortels tant pour les taureaux que pour les humains. Le tout dans une ambiance de fête incompréhensible à la- quelle participent des familles entières, y compris des enfants.