27.11.2023
Anna Zangger

Protection des éléphants : en Suisse aussi!

La Fondation Franz Weber (FFW) œuvre depuis près de 45 ans pour la protection des éléphants en Afrique, sur le plan international, et également en Suisse. Actuellement, trois zoos suisses détiennent encore des éléphants d’Afrique et d’Asie : les zoos de Bâle et de Zürich, et le zoo Knie, à Rapperswil. Notre expert est formel : aucun de ces zoos n’offrent des conditions adéquates pour les besoins physiques, psychiques et sociaux des éléphants. Il est donc temps que ces zoos renoncent enfin à détenir des éléphants.

Protection internationale des éléphants

Depuis les années 1980, la FFW est une figure proéminente de la protection des éléphants au niveau international. Observatrice officielle de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) depuis 1989, elle exerce une influence décisive sur les décisions prises par les États, au plus haut niveau, sur la protection des espèces contre les effets néfastes du commerce – dont le terrible commerce de l’ivoire, mais aussi les exportations d’éléphants d’Afrique vivants vers des zoos du monde entier. D’ailleurs, début novembre 2023, elle participe à la 77ème réunion du Comité permanent de la CITES, l’organe exécutif de ce traité, qui se penchera une nouvelle fois sur la problématique du commerce d’éléphants vivants (c.f. encadré).

La FFW a aussi géré le Parc national Fazao-Malfakassa, au Togo, durant plus de 25 ans – le parc abrite un grand troupeau d’éléphants. Bien que la FFW ne gère malheureusement plus ce parc aujourd’hui, par décision du Togo, la FFW a conservé des liens étroits avec l’Afrique, liens qu’elle entretient notamment en soutenant systématiquement les pays de la Coalition pour l’éléphant d’Afrique, une alliance de pays africains qui œuvrent pour une meilleure protection des éléphants.

Éléphants captifs

Parallèlement, mais dans la même lignée, la Fondation est très préoccupée par la situation des éléphants en captivité, dans le monde entier. Ces doux géants ne sont pas faits pour vivre dans d’étroits espaces, parfois en pleine ville et dans des régions à la météo inhospitalière, en petits groupes « artificiels » d’éléphants inconnus ou, pire encore mais malheureusement très fréquemment, seuls. Les éléphants captifs développent des problèmes de santé physique qui sont inexistants, peu fréquents ou dont la gravité est moindre dans la nature (tuberculose, herpès, infections des pieds, etc.).

Les éléphants ont besoin de grands espaces à parcourir : dans la nature, ils marchent en moyenne 10km par jour (et jusqu’à 30km par jour !). Ils passent la large majorité de leur temps (jusqu’à 18 heures par jour !) à la recherche de nourriture – une activité qui les garde en bonne santé physique, mais aussi psychique, impliquant une stimulation permanente. Ces animaux sont extrêmement intelligents : leur grand cerveau, qui présente des caractéristiques similaires à ceux des grands singes, leur confère une mémoire particulièrement développée (notamment concernant la géographie de leur habitat), des capacités cognitives supérieures, et leur permet de créer des liens sociaux forts et complexes avec leurs congénères – dont ils dépendent d’ailleurs pour leur survie.

Les zoos ne leur offrent pas les stimulations sociales, physiques et psychiques nécessaires à leur développement et leur bien-être – et ce malgré la multiplication de directives émanant d’associations de zoos (EAZA, WAZA, AZA, etc.) ou d’autres entités, telles que la Coalition pour le bien-être des éléphants captifs (Coalition for Captive Elephant Well-Being, CCEWB). Les enclos extérieurs sont trop petits (et les enclos intérieurs, où les éléphants passent la majeure partie de leur temps, c’est-à-dire hors des heures d’ouverture des zoos, sont minuscules), leur sol est trop dur pour leurs pattes, les maigres tentatives de rendre la recherche de nourriture plus intéressante sont insuffisantes, le manque d’exercice les rend obèses.

Les éléphants ne devraient tout simplement pas vivre en captivité.

Transferts vers les sanctuaires

Nous avons déjà de l’expérience en matière de sauvetage d’éléphants captifs. Ainsi, en Argentine, nous sommes déjà parvenus à faire transférer trois éléphantes (Mara, Pocha et Guillerma, respectivement en 2020 et 2022) du zoo de Mendoza vers un sanctuaire pour éléphants au Brésil. Actuellement, nous œuvrons au transfert de deux autres éléphants : Kenya (éléphant d’Afrique) et Tamy (d’Asie) vers ce même sanctuaire – en espérant pouvoir bientôt vous donner de bonnes nouvelles.

Les éléphants captifs ne peuvent généralement pas être relâchés dans la nature. Les sanctuaires sont donc la solution idéale pour les éléphants des zoos, notamment parce qu’ils offrent, eux, de grands espaces de verdure (et donc des sols mous et la possibilité de rechercher naturellement de la nourriture toute la journée) aux éléphants, et l’opportunité de créer eux-mêmes les liens sociaux avec ceux qu’ils préfèrent.

Aucun zoo suisse n’est adéquat pour les éléphants

Trois zoos suisses détiennent encore des éléphants : le zoo de Bâle (3 éléphants d’Afrique de savane, étant précisé que Tusker, le mâle, a été euthanasié en août dernier), le zoo de Zurich (5 éléphants d’Asie), et, « last but not least », le zoo Knie, à Rapperswil (9 éléphants d’Asie).

En juin 2023, le biologiste expert en éléphants, le Dr. Keith Lindsay, a visité ces trois zoos. Malgré la relativement bonne réputation dont jouissent ces établissements, les conclusions du rapport de ce spécialiste mondialement reconnu sont sans appel : les zoos ne satisfont aucunement aux besoins essentiels des éléphants, ne fournissent pratiquement aucun service en termes d’éducation et de sensibilisation du public, et ne contribuent que très faiblement à la préservation de l’espèce dans la nature. Le taux de mortalité est extrêmement élevé, et les naissances sont rares, conclues généralement par la mort de l’éléphanteau peu après sa naissance. Les animaux décèdent de différentes maladies ou sont euthanasiées en raison des risques qu’ils présentent.

Mauvais élève parmi les mauvais élèves : le zoo de Rapperswil

D’après le Dr. Lindsay, le zoo Knie à Rapperswil est particulièrement problématique. Les éléphants sont confinés dans un espace étroit, qui ne leur permet pas de marcher plus de 50-75m dans toutes directions, et ils passent la majeure partie de leur journée debout sur des sols durs. Le manque de mouvement et d’activité physique implique que tous les éléphants de Rapperswil sont soit en surpoids, soit obèses – et souffrent de problèmes de santé. L’une des éléphantes présentait par ailleurs des stéréotypies, et une autre, Ceylon, était détenue en isolement…

Pire encore : ce zoo offre des tours à dos d’éléphant et la possibilité de nourrir les animaux. Utiliser des éléphants comme des « attractions » n’est absolument pas adéquat, et n’est pas soutenu par les directives de 2020 de l’Association européenne des zoos et aquariums (EAZA) concernant les éléphants – et d’ailleurs la majorité des zoos européens et américains ont renoncé à ce type d’activités. Le Dr. Lindsay estime donc que le zoo Knie de Rapperswil « est bien loin de tout standard minimal de détention d’éléphants ».

Les éléphants en Suisse ont aussi besoin de nous !

La FFW est convaincue que les éléphants n’ont strictement rien à faire en captivité – et la Suisse ne fait pas exception. Le rapport du Dr. Keith Lindsay n’a fait que confirmer cette conviction : il est grand temps que les zoos arrêtent leurs programmes de reproduction et, à terme, cessent de détenir les éléphants. Cela implique que lorsqu’un éléphant meurt en captivité, il ne faut pas le remplacer, et surtout ne pas permettre de nouvelles naissances – qui condamnent les pauvres éléphanteaux à une vie de souffrance. Ce n’est ni plus ni moins que l’objectif que se fixe la FFW.


Novembre 2023 : 77ème réunion du Comité permanent de la CITES (SC77)

Du 6 au 10 novembre 2023, la FFW participera, en tant qu’observatrice, à la 77ème réunion du Comité permanent de la CITES (SC77). Comme d’habitude, son but est d’obtenir un renforcement de la protection des éléphants, des poissons coraliens et d’autres espèces, contre les effets néfastes du commerce international. Lors de cette conférence, un sujet sera particulièrement important : le Comité permanent devra décider de l’organisation d’une réunion de dialogue entre pays africains sur la question du commerce d’éléphants d’Afrique vivants. Les règles d’exportation d’éléphants d’Afrique vers les zoos du monde entier pourraient bien dépendre de cette réunion, de sorte que les conditionsprécises de son déroulement sont cruciales – il faut en particulier éviter que la réunion soit détournée vers d’autres sujets, ou qu’elle soit trop lourdement influencée par les pays et les milieux pro-commerce.

*Erratum

Une erreur s’est glissée à la page 9 du dernier Journal Franz Weber (n°146) : « Les éléphants captifs développent des problèmes de santé physique qui sont inexistants, peu fréquents ou dont la gravité est moindre en captivité (tuberculose, herpès, infections des pieds, etc.) ». Évidemment, les problèmes de santé en question sont inexistants, peu fréquents ou de gravité moindre dans la nature.

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