16.11.2022
Vera Weber

Une attaque frontale contre la Nature et la démocratie

Le Parlement a piétiné la protection de la nature pendant la session d’automne, violé notre Constitution et bafoué en toute illégalité la participation démocratique du peuple avec une insouciance effrayante et une rapidité sans précédent.

Ce que le Conseil fédéral et le Parlement semblent avoir appris, c’est qu’il n’y a rien de tel que de créer une angoisse, encore mieux une panique, pour imposer au peuple des mesures extravagantes. Il n’y a pas une semaine sans que la Conseillère fédérale Sommaruga et le lobby électrique n’annoncent un black-out, une pénurie, le froid et la bougie dans les nuits hivernales. Cela est si bien orchestré que la presse s’est engouffrée avec peu d’esprit critique dans la pensée unique qui cherche à imposer l’installation de panneaux solaires sur des pâturages et des éoliennes dans nos plus beaux paysages et porter une atteinte fatale aux cours d’eaux, alors que continue la promotion de nouvelles consommations d’électricité par les voitures électriques, les pompes à chaleur et une informatique envahissante. Naturellement, la panique a déclenché une débâcle que ses initiateurs ne peuvent plus contrôler et dont les adversaires de la protection de la nature et de l’environnement profitent pour imposer leur idéologie.

La révision de la législation sur l’énergie limite fortement les possibilités de recours contre des projets d’installations de production d’énergie renouvelable mal préparés, coûteux et inefficaces, à fort impact sur la nature, le paysage et la biodiversité. En réponse à l’initiative des glaciers, le Parlement sonne l’hallali de la nature, qu’il offre sans restriction aux assauts de promoteurs grassement subventionnés. Voilà réalisé le rêve trotskiste de la maitrise totale de la nature par l’industrie humaine. Ce n’est pas tout, les installations photovoltaïques dans les montagnes n’auront plus à respecter la législation sur l’aménagement du territoire, ni celle sur l’environnement. En effet, en déclarant les énergies renouvelables d’un intérêt supérieur, le Parlement ouvre la voie à tous les abus, au détriment de la nature qui ne peut plus être défendue. Même l’Office fédéral de la justice a jugé certaines de ces dispositions contraires à la Constitution.

Menaces sur des institutions essentielles
Si une situation d’urgence peut justifier des mesures exceptionnelles elle ne doit pas mettre en danger les structures et les processus qui constituent le socle de notre démocratie et de la prospérité du pays. L’esprit critique, le dialogue et la concertation sont les meilleurs garants de politiques et de réalisations équilibrées, efficaces et bien acceptées par la population. En écartant les législations sur l’aménagement du territoire et sur l’environnement et en déclarant d’emblée un intérêt national supérieur à tous les autres, la nouvelle législation supprime de fait le droit de recours et donc une véritable pesée des intérêts.

Un non-sens économique
L’ouverture sans restriction de grands espaces libres à l’installation de champs photovoltaïques et d’éoliennes géantes par millier est en contradiction avec une gestion économique des ressources naturelles. En effet la pesée des intérêts de telles installations avec les exigences de l’aménagement du territoire, de l’environnement et de la protection de la nature oblige les promoteurs à présenter des projets efficaces pour convaincre les autorités et les tribunaux de leur intérêt public. En libérant de tels projets de l’obligation de respecter ces législations, en les déclarant d’emblée d’intérêt national et en les subventionnant massivement le Parlement ouvre la porte à une avalanche de projets insensés, mal préparés, aux coûts exorbitants, énergétiquement inefficaces et destructeurs de nos plus beaux paysages.

La valeur irremplaçable de la nature
Nous avons encore bien davantage besoin de la nature que d’un supplément aléatoire de courant électrique. L’expansion des agglomérations et la multiplication des infrastructures exercent une pression toujours plus forte sur les espaces naturels, qui rétrécissent jour après jour. Or la nature est indispensable au bien-être de la population, à la préservation de la biodiversité et à la production d’eau propre. Nous avons besoin d’espaces de nature libre et sauvage pour notre santé physique et psychique, pour la détente, la contemplation, les vacances, la promenade du dimanche et le sport, sans oublier qu’elle fait partie de notre identité : l’hymne national suisse ne parle-t-il pas des « beautés de la patrie, qui parlent à l’âme attendrie » ? Et puisqu’il s’agit de protéger le climat, il ne faut pas oublier que les écosystèmes naturels sont nos principaux alliés dans la lutte contre les changements climatiques car ils absorbent beaucoup de CO2 et tempèrent les phénomènes météorologiques extrêmes.

Alternatives?
Les plus importantes ressources en énergie sont la modération de nos consommations, l’isolation des bâtiments et la lutte contre le gaspillage. Les appels récents du Conseil fédéral à des comportements économes de la population sont réjouissants, mais un peu déprimants lorsqu’on se souvient que ce sont les mêmes appels qu’il lançait déjà dans les années 1970 sans succès. Il existe un immense potentiel de production d’électricité renouvelable sans qu’il soit nécessaire de porter atteinte à la nature. Selon une étude publiée par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), le potentiel d’énergie solaire qui peut être exploité sur les bâtiments suisses est de 67 milliards de kilowattheures par an. Cela correspond à 110% de la consommation d’électricité en Suisse. Le Parlement ne s’est pas trompé sur ce point, puisqu’il consacre tout un chapitre à la promotion du solaire sur les bâtiments et les infrastructures, ce qui rend inutile sa proposition de couvrir des espaces libres de panneaux photovoltaïques. Même en montagne, il y a quantité d’infrastructures, bâtiments, murs, barrages et routes, susceptibles d’être équipés de panneaux photovoltaïques sans nuire à la nature.

En milieu urbanisé, des installations photovoltaïques connectées en réseaux de proximité, dits intelligents, sont plus efficaces et moins coûteuses que de grosses installations éloignées des lieux de consommation qui entrainent d’importantes pertes d’énergie pour le transport et le pompage-turbinage.

Et il ne faut pas oublier le potentiel du solaire thermique, simple, très efficace et bon marché, qui permet d’économiser de grandes quantités d’énergies fossiles et d’électricité pour l’eau chaude et le chauffage.

Conclusion
Une situation d’urgence ne saurait justifier un démantèlement des institutions démocratiques qui font la force de notre communauté et assurent le succès de notre pays et le bien-être de sa population.

Il est aberrant de détruire la Nature pour sauver les glaciers et lutter contre les changements climatiques ; c’est l’effet inverse qui sera obtenu. Une écologie contre la nature se retournera contre nous.

La décision du Parlement fait sens pour stimuler la production d’électricité renouvelable sur les bâtiments et les infrastructures, mais sa décision d’imposer de vastes champs de panneaux photovoltaïques sur des territoires libres et des éoliennes industrielles dans nos plus beaux paysages est inefficace, ruineuse et destructrice de l’âme du pays.

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