Cela fait des années que la Fondation Franz Weber (FFW), via son organisation-sœur Helvetia Nostra (HN) se bat contre les projets de parcs éoliens – et c’est en Suisse romande que la lutte s’est concentrée jusqu’ici. De nouveaux projets voient désormais le jour dans toutes les régions de Suisse: notre expérience nous permettra d’utiliser les armes les plus efficaces pour les combattre.
Le Massif du Jura en ligne de mire
La large majorité des projets éoliens se sont jusqu’ici concentrés sur le Massif du Jura, et donc les cantons de Vaud et de Neuchâtel. Les impacts sur la nature, sur le paysage et sur l’avifaune sont énormes, et pourtant, les parcs éoliens se multiplient – sans réelle coordination, sans véritable vision d’ensemble. HN a déposé oppositions et recours, souvent avec des organisations locales ou nationales de protection de la nature et du paysage, contre les projets de Ste-Croix, «Sur Grati», du Mollendruz, «Bel Coster», «Grandsonnaz», «Eoljoux», «Eole-de-Ruz» et de Montagne-de-Buttes, dont certains se situent à proximité immédiate les uns des autres…
Nos arguments sont évidemment l’incommensurable destruction des milieux naturels par les routes d’accès, les socles et installations nécessaires à la construction et à l’entretien des éoliennes, leur effet sur l’avifaune, en particulier les oiseaux migrateurs et les chiroptères, mais aussi l’atteinte extrêmement grave à nos paysages de montagne, si chers à notre pays.
L’intérêt à la «transition énergétique» l’emporte
Malheureusement, le Tribunal fédéral voit l’approvisionnement en énergie comme prioritaire par rapport aux intérêts de protection de la nature et du paysage. Encore et encore, la Haute Cour répète que la production d’énergie éolienne est presque automatiquement mise sur un pied d’égalité avec, voire est même considérée comme étant supérieure aux autres intérêts nationaux déjà mentionnés – et ce même en présence d’une production très basse de 20 GWh par année seulement…
Pourtant, le Tribunal fédéral passe sous silence certaines questions pourtant cruciales: quel est le seuil d’impact admissible sur les valeurs naturelles? Qu’en est-il du cumul des impacts (paysager, naturel, sur l’avifaune, etc.)? Plus important encore, quels sont les effets conjoints des différents projets éoliens, sur l’avifaune notamment, et comment peut-on justifier l’absence de toute coordination entre eux?
Nous avons au moins pu jusqu’ici empêcher un projet éolien de voir le jour sur le Massif du Jura: le projet dit«EoleJoux». L’atteinte au paysage a été, cette fois, considérée trop importante, puisqu’il s’agissait de détruire en par- tie un objet classé à l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP), et de nuire à la principale zone de parade du grand tétras du Jura vaudois – mais les promoteurs n’en- tendent tout de même pas en rester là, et envisagent de nouveaux projets.
Lueur d’espoir: la protection de l’avifaune
Seule lueur d’espoir dans ce tableau plutôt noir pour la nature et le paysage suisses: les effets des parcs éoliens sur la migration des oiseaux doivent être suivis de près, et les éoliennes doivent pouvoir être arrêtées en cas de risques élevés pour les espèces. Ainsi, nos oppositions et recours se concentrent désormais sur ces points, souvent insuffisamment étudiés et pris en compte dans le cadre de ces gigantesques projets en plein milieux d’habitats essentiels, ou de couloirs de migration.
Procédures encore en cours: la lutte continue malgré tout
Actuellement, les procédures liées aux projets de parcs éoliens se déroulent en deux temps: d’abord, un plan d’affectation est mis à l’enquête et peut faire l’objet de recours. Si le plan d’affectation est finalement validé, le projet de construction concret est alors mis à l’enquête publique – et les procédures de recours sont à nouveau ouvertes. Cela pourrait bien changer avec le «Mantelerlass» actuellement en cours d’adoption par le Parlement fédéral (en français, intitulée «Loi relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables») – qui veut accélérer l’approbation de projets éoliens en ne prévoyant qu’une seule étape ouverte à l’enquête, et aux oppositions publiques.
Au Mollendruz, le Tribunal fédéral a validé le plan d’affectation, malgré les recours d’HN. Cela étant, il a exigé qu’un certain nombre d’éléments soient repris et affinés dans le cadre du projet de construction concret – qui vient d’être mise à l’enquête publique. En particulier, les mesures de protection des oiseaux et des chauve-souris doivent être précisément définies. Tout dernièrement, HN a fait opposition contre le projet de construction, estimant notamment que ces mesures particulières de protection de l’avifaunes étaient insuffisantes, au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral.
Au Grand St-Bernard, en Valais, le projet éolien stagne depuis plusieurs années. Le Tribunal cantonal a admis le recours déposé par HN et plusieurs autres organisations contre le plan d’aménagement lié au projet, estimant que le Conseil d’Etat n’avait pas effectué une pesée correcte de tous les intérêts en présence – et la procédure est encore pendante devant le Conseil d’Etat valaisan. Une étude relative à l’avifaune, en particulier concernant le gypaète barbu, doit être réalisée avant toute décision. Point intéressant encore: l’estimation de la production énergétique du parc éolien étant trop variable, le Tribunal cantonal a exigé des constructeurs des précisions pour lever l’incertitude.
Ces victoires – du moins d’étape – nous permettent de mieux cibler nos arguments dans les procédures en cours et à venir: c’est au niveau de la protection de l’avifaune et de la balance des intérêts que le bât blesse.
Avenir difficile pour la nature et le paysage
Malgré ces quelques victoires, l’avenir n’est pas très gai pour la nature et le paysage suisses. L’approvisionnement énergétique, sur fond de changements climatiques, est largement utilisé pour convaincre la population de la nécessité des projets éoliens – ce malgré leur inefficience dans notre pays et les risques pour l’avifaune qu’ils comportent. Le Tribunal fédéral a déjà indiqué que la production d’énergie, même faible, qu’apportent les éoliennes est plus importante que les éléments naturels ou paysagers. Le Parlement tente à tout prix de faire passer sa fameuse «Mantelerlass», qui fera primer l’intérêt à produire de l’énergie «verte» sur pratiquement tout autre intérêt public ou privé – et risque de signer l’arrêt de mort de notre belle nature.
La FFW et HN ne se laisseront pas faire. Nous combattrons les projets de loi urgentes ou autrement alarmistes qui mettent de côté la biodiversité et nos paysages – car sans Nature, sans espaces naturels préservés, la vie sur Terre s’arrêtera. Sacrifier ce que nous avons de plus cher pour continuer notre train de vie destructeur est un paradoxe auquel l’humanité ne survivra pas.