28.09.2023
Leonardo Anselmi

Corrida: l’abolition comme destination finale

La lutte contre la tauromachie que mène la Fondation Franz Weber (FFW) depuis des décennies s’est récemment intensifiée en Espagne, où nous tentons de «dénormaliser» cette terrible «tradition». Notre campagne «Enfance sans violence» a poussé le Comité des droits de l’enfant de l’ONU à recommander, en 2018, d’éloigner les enfants (soit les personnes de moins de 18 ans) des spectacles tauromachiques en Espagne – recommandations que nous nous efforçons de faire respecter, difficilement. Simultanément, nous faisons barrière aux spectacles tauromachiques prétendument «comiques», impliquant des personnes atteintes d’achondroplasie (ou nanisme).

Accès facile des enfants aux corridas

Actuellement, l’Espagne autorise l’accès d’enfants, même très jeunes, aux spectacles et évènements tauromachiques. Pire encore, elle facilite et promeut cet accès. A Cuéllar, une petite ville de la province de Ségovie, par exemple, les entrées sont vendues à prix réduits aux enfants dès l’âge de 5 ans! Dans d’autres communes, les partisans de la tauromachie vont jusqu’à offrir les entrées aux enfants du même âge… qui assistent ainsi, en direct, à la torture d’animaux, et parfois aux blessures des toreros.

Lors de «fêtes taurines», la présence d’enfants est également autorisée et favorisée. L’équipe de la FFW en Espagne fait appel aux médias, encore et encore, pour dénoncer l’acceptation de la violence qui en découle, et les effets potentiellement dramatiques sur le développement des enfants. La cruauté envers les animaux ne doit pas devenir la norme.

Les aficionados ont besoin de sang neuf

Comment en est-on arrivé à accepter que les enfants assistent à des actes violents envers les animaux? La réponse est simple: la moyenne d’âge des «aficionados» est de plus en plus élevée, alors que l’intérêt pour la corrida diminue chaque année en Espagne.            Le monde tauromachique a donc désespérément besoin de sang neuf… quoi de mieux que de le chercher auprès des enfants, dès l’âge le plus tendre?

Habituer les enfants à la cruauté envers les animaux a pour effet d’augmenter les violences interpersonnelles. D’ailleurs, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies (ONU) a spécifiquement adressé des recommandations à l’Espagne, en 2018, lui demandant d’éloigner les enfants de la violence de la tauromachie. Pour sensibiliser les autorités à cette problématique et obtenir le respect des recommandations de l’ONU, la FFW propose des formations pour les employés des administrations publiques, et a entrepris un travail de lobbying auprès des parlementaires des différentes régions autonome espagnoles.

Humiliation des personnes atteinte de nanisme

En 2019, le Comité des Nations unies pour les personnes handicapées a mis en garde l’Espagne contre l’implication de personnes atteinte d’achondroplasie (nanisme) dans    des fêtes et spectacles tauromachiques, dont le handicap est exploité pour susciter les moqueries du public. Les directives européennes sur la projection des personnes handicapées interdit également ce genre de pratique.

Dans le but de s’aligner avec les exigences internationales, en avril 2023, la Loi générale espagnole sur les personnes handicapées et la protection de leurs droits a été modifiée, prévoyant désormais une interdiction des spectacles tauromachiques qui impliquent des personnes en situation de handicap.

Malgré l’interdiction, des évènements «clandestins» continuent à être organisés en Espagne, sous les noms de «Bombero torero» (torero pompier), «Popeyre torero y sus enanitos marineros» (Popeyre torero et ses petits moussaillons nains) ou encore «Enanitos toreros» (petits nains toreros). Ce genre de spectacle est évidemment contraire à la dignité des personnes atteintes de nanisme, et affaiblit de manière générale la protection des handicapés en Espagne.

Surveillance et dénonciations de spectacles illégaux

Pour cette raison, la FFW a mis en place, dès juin dernier, un système de surveillance pour dénoncer l’organisation illégale de tels évènements. Nous avons déjà pu alerter les autorités à trois occasions concernant des spectacles à Teruel (Aragón), Cortes de la Frontera (Andalousie) et à Murcie. Grâce à cette action, l’Andalousie a refusé d’octroyer l’autorisation pour le spectacle prévu. Par contre, les autorités d’Aragón ont décidé d’autoriser le spectacle de Teruel – une infraction grave à la nouvelle loi qui pourrait être réprimée par une amende allant jusqu’à 90’000 euros. La FFW dépose une procédure judiciaire à cet effet. Murcie n’a pas encore rendu sa décision, et la FFW a entamé avec les autorités locales une intense discussion pour qu’elles emboîtent le pas à l’Andalousie, pour le bien-être des animaux et la dignité des humains.

Violations graves du droit international

Lorsque des personnes en situation de handicap, en l’occurrence des personnes atteintes d’achondroplasie, sont exhibés et moqués dans l’arène, la question de l’accès aux spectacles tauromachiques par des mineurs se fait plus grave et plus pressante. Non seulement sont-ils soumis à une violence extrême envers un animal, mais on leur fait ainsi comprendre que l’on peut humilier des hommes et de femmes en raison de leur apparence physique. Le message est clair: les humains dits «normaux» sont au-dessus des animaux et au-dessus d’autres humains.

Il s’agit de violations sérieuses non seulement de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant, mais aussi de la Convention onusienne relative aux droits des personnes handicapées

 

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